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252 ANECDOTES SUR VOLTAIRE. j'aurais voulu qu'au lieu d'écrire sur le vase qui contient son cœur : Son esprit est partout mais son cœur est ici, oh eût.gravé le vers ainsi travesti ; Ses cannes sont partout mais son cœur est ici. Et en effet il n'est pas de pays qui ne possède au moins un jonc du philosophe de Ferney ; si ses plumes ont préjudicié à quelques auteurs, ses cannes ont fait gagner bien des habitants de votre commune; il y a eu vraiment là une compensation. Le brave et loquace agriculteur, bien qu'un peu désappointé de mon peu de foi à la provenance du bâton qu'il m'offrait, me quitta d'assez bonne humeur.Voici maintenant celles de ses anec- dotes qui m'ont semblé mériter quelque intérêt, car je ne les crois pas connues. Un baron allemand, doué d'un esprit médiocre, d'un corps énorme surmonté d'une tête d'une grosseur prodigieuse, arriva en 4772 à Ferney, dans le but unique et avoué par lui de faire un speech au patriarche de Ferney; mais il fallait que ce dernier se trouvât à l'ombre de l'un des arbres de sa campagne pour que son hommage verbal valût tout son prix. A cet effet, il chargea le père du cultivateur, dont je tiens cette anecdote, de guetter le moment où Voltaire se trouverait se pro- menant ou assis durant un beau jour sous les arbres du château. Cet heureux instant arriva,et le baron, empressé d'en profiter, accourut tout essoufflé devant Voltaire se reposant alors sous un chêne, entouré des familiers du château. Après avoir profondé- ment salué par trois fois l'auteur de Zaïre : — Blonsieur de Voltaire, lui dit-il, vous me voyez tout surpris de trouver le soleil à l'ombre. — Et moi, Monsieur, encore plus de voir la lune en plein soleil, répondit le malin vieillard, qui égaya sa compagnie aux dépens de la face ronde et rubiconde du gros baron allemand. Voltaire fut presque sans cesse indisposé durant son séjour à Ferney. Souvent il exagérait ses souffrances à ce point qu'il quit- tait parfois le salon où il venait de charmer son auditoire, en lui disant : Je suis mourant. Une fois môme il lui assura qu'il était mort, ce qui lit dire à M. de La Harpe, alors en visite au château : « Eh bien, mon cher défunt, vous avez eu une délicieuse agonie « et vous ne pouvez pas mieux vous y prendre pour vous faire « regretter. » Toutefois, un jour que Voltaire, plus mourant que de coutume, avait comme un surcroît d'agonie , Mme Denis, sa nièce, jugea convenable de faire venir le médecin, et comme l'illustre Tron- chin, son docteur habituel, était absent de Genève, elle envoya