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MUSIQUE Les amis de la vraie musique ont de rudes épreuves à subir. On chante, on souffle, on racle dans tous les coins de l'univers; dans chaque maison tapote un piano ou nasille un cornet ; au théâtre, aux concerts, même dans les églises, on entend grincer les violons, mugir les bombardes; et quel débordement de vulga- rités, de compositions non pas mauvaises, cela était bon pour le temps jadis, mais insignifiantes, ce qui est pis, de rengaines, qu'on nous passe le terme, il désigne assez bien cet amas in- cohérent de pastiches, de formules usées, d'une mise décente, mais creuses et jetées dans le même moule. C'est à désespérer de l'art, c'est à prendre le parti extrême de se boucher les oreilles et de vivre de souvenirs. Heureusement que de temps en temps, il se fait une éclaircie au milieu des ténèbres; sa courte durée laisse apercevoir des hyérophantes fidèles aux saines doc- trinesj des auditeurs qui écoutent et ne viennent pas unique- ment dans le but de faire constater leur présence par toute la fashion. Ecouter, tout est là : quand on écoute, on comprend et on apprécie; combien est petit le nombre de ceux qui écoutent, non par les yeux et la lorgnette, mais avec les oreilles et le cœur. Donc, une seule éclaircie console de toute une année de vide musical et de plénitude de mauvaise musique Et nous l'avons saluée à la fin de décembre, lors de l'apparition d'un pianiste de premier ordre, M. Mortier de Fontaine. Quel est celui-ci, qui ne couvre pas les murs d'affiches gigantesques, et n'embouche pas la trompette un mois d'avance pour annoncer ses exploits? D'où vient-il, quelle est sa manière? procède-t-il de Thalberg ou de Listz? Est-ce un pianiste chevelu ou un pianiste calme et d'une tenue irréprochable? Est-ce un pianiste compositeur, transpo- siteur ou vulgarisateur ? Nenni ! laissons les balivernes aux programmes de concerts 6