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POÉSIE. 9 Vaincu par les douleurs que l'on m'a fait souffrir, Je voudrais ne pas vivre, et je crains de mourir. Mais tandis que lançant l'injure et le blasphème, Je maudis le soleil en un sinistre essor, J'entends deux fortes voix s'élever en moi-même : La voix de l'espérance, et celle du remords. L'espérance! Toujours ce bienfaisant arôme Nous suit dans le chemin, répandu dans notre air, Puis le remords ! Toujours cet importun fantôme Dont la voix dans le coeur entre comme du fer ! A mes derniers accents, tous les deux dans mon âme Se dressent, me jetant comme un poids sur le front : Le remords, cette absinthe et l'espoir ce dictame, Me disent tous les deux l'hymne de la raison : « 0 poète, apprends donc qu'il faut attendre encore ; Que l'on boive ici-bas le nectar ou le fiel, Ce soleil d'un plus grand n'est pas même l'aurore, La tente est sur la terre et l'édifice au ciel. « Et parce que ton cœur a souffert d'une injure, Parce qu'on te blessa dans tes heures d'amour, Tu portes jusqu'au ciel ton sinistre murmure, En maudissant le monde et ton siècle et le jour! « Quand tu jettes ta haine au Créateur suprême, De son éternité le veux-tu renverser? Pourquoi tant déchaîner de rage et de blasphème ! Pour le combattre ainsi, peux-tu le remplacer? « Il te donna sa loi, qu'en tous points tu dois suivre, Que tu dois écouter et lire jusqu'au bout; Pourquoi donc murmurer? Tais-tu bien qu'à ce livre, Effacer un seul mot, c'est le déchirer tout?