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                           PÉLOPONÈSE.                           47?
attendant tranquillement le lendemain pour se risquer sur mer.
Là se rassemblent les hardis marins d'Hydra, de Syra, de
Spezzia ; la journée finie, ils allument de grands feux sur le ri-
vage, et assis autour, ils chantent des refrains de liberté ou
content des histoires, se laissant approcher des femmes et des
enfants qui les écoutent. A l'écart, des chaloupes sont échouées
sur la plage, montrant leur large coque humide et verie, sem-
blables à des dieux marins qui viennent respirer l'air et sécher
leurs flancs tout trempés par un long séjour dans les flots. Plus
loin, surtout, ce sont des groupes d'Albanaises dansant en rond
en se tenant les mains, et décrivant tantôt un cercle, tantôt de
gracieuses spirales, sans que leur file se rompe jamais. A leur
costume bizarre, à leurs longues tresses de cheveux, ornées de
cuivre, à leur chant accentué, on les reconnaît bien vite pour
des étrangères. Que font-elles là, dansant et riant? Pourquoi
donc ont-elles quitté le séjour des Klephtes et leurs tiers époux?
qui le sait et pourquoi s'en étonner? Fûtes-vous jamais surpris
de rencontrer sur le bord des fleuves les mêmes fleurs que sur
le sommet des monts ? Les filles de l'Albanie descendent de
leurs montagnes tout simplement pour voir la mer, pour mêler
leurs chansons à son murmure, pour satisfaire leur fantaisie.
Elles sont là ce soir ; mais n'attendez pas à demain pour les
 regarder; elles auront déjà repris leur vol vers leurs nids d'aigle.
    Quand la nuit fut venue, que les feux furent éteints sur les
 bords de la mer et que les danseuses se furent évanouies
 comme des esprits aériens, je rentrai dans mon hôtellerie.
 Toutes les chambres donnaient sur une vaste salle basse par
 une grande galerie de bois. Assis sur ma porte, je voyais tout
 ce qui se passait en bas, comme si je me fusse trouvé au pa-
 radis d'un de nos théâtres. Une dizaine de pallikares étaient
 à boire, éclairés par une lampe qui jetait autant de fumée
 que de lumière , les uns armés jusqu'aux dents , les autres
 demi-vêtus. L'un d'eux chantait des refrains amoureux ou
 patriotiques, avec ce son de voix nasillard qui caractérise la
 manière de chanter des Grecs. Adossé contre le mur dans une
  nonchalante attitude, il vidait à chaque instant son verre; à la