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406                BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
 et célèbre professeur du Collège de France, qui, naguères, en
  expliquant à ses auditeurs un passage des Annales, s'arrêtait
 tout à coup, saisi à la gorge par l'allusion, comme il nous le ra-
 contait plus tard, car il venait de reconnaître dans je ne sais quel
  Romain le général Bedeau ! Mais que M. Olivier nous permette de
 lui soumettre un doute : ces rapprochements où il se complaît
 ne sont-ils pas quelquefois un peu sévères, un peu injustes
 même, à l'égard de notte siècle? On a reproché à Tacite, peut-
 être avec raison, de charger encore le tableau déjà si sombre de
 la société romaine ; d'en voir les vices à travers le verre gros-
 sissant de sa mauvaise humeur stoïcienne, et de calomnier
jusqu'à Tibère et Néron. Que sera-ce si nous appliquons ses
arrêts à noire temps, à notre société française et chrétienne ?
Sans doute, nous n'avons qu'à jeter les yeux autour de nous
 pour voir bien des misères affligeantes ; et comme la corruption,
 la perversité, la bassesse tournent forcément dans un même
 cercle, plus d'un tableau de l'historien romain aurait pu être
 crayonné sur les faits ou les hommes d'aujourd'hui. Et néan-
 moins , pour qui étudie attentivement et le milieu où il vivait,
et celui où une providence meilleure nous a placés, quelle dif-
férence ! N'identifions point ce qui ne peut pas même être com-
paré ; il y aurait de l'aveuglement et de l'ingratitude à ne pas
voir l'espace immense qui sépare ce paganisme épuisé, expirant
au milieu de convulsions horribles dans le sang de ses cruautés
et dans la boue de ses plaisirs, de ce christianisme toujours
jeune, toujours fécond, toujours pur, qui soutient nos sociétés
modernes , et leur communique en partie son immortalité.
   Je dois aller plus loin. Dans ce livre aimable, M. Olivier fait
une trop grande place aux idées tristes, aux sombres prévisions.
Il y parle trop de décadence, de ce qu'il appelle les signes des
temps, de cette agonie et de cette mort dont il croit que «ous som-
mes menacés (nous autres Français, je suppose), et dont l'heure
lui semble déjà marquée dans un avenir prochain. Sans vouloir
entamer ici une si grave discussion, ne peut-on pas trouver que
c'est vraiment y mettre trop peu de façons que de nous condamner
ainsi sans miséricorde ? Quoi ! l'arrêt est porté ! vous en êtes