Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                                                       )




                           K0URV1ÈRES.                         311
que l'on devrait supposer avoir du goût, une plainte ou un
regret, et je ne crois pas qu'un seul des journaux de notre ville
ait écrit une ligne sur cette déplorable transformation. Un pareil
silence ne me surprend pas. En effet, depuis longtemps, la bar-
barie anti-pittoresque progresse aux grands applaudissements
de la majorité, non seulement à Lyon, mais en France, mais
dans l'Europe entière ; elle se drape superbement du manteau
du progrès, elle fait ses études à l'école polytechnique, et pro-
clame la ligne droite et le plan horizontal comme le beau idéal.
   Cette fausse opinion est tellement à l'ordre du jour, que nous
sommes menacés quotidiennement et publiquement par un projet
des plus désastreux pour notre malheureux Fourvières. Jusqu'à
présent, personne n'a eu l'idée de le combattre, tellement cette
conception paraît simple et naturelle. Je veux parler de la cons-
truction d'un pont suspendu entre le cours des Chartreux et
l'admirable couvent des Carra es-Déchaux. On m'a affirmé que
l'angle de la terrasse dudit couvent et son pittoresque pavillon
seraient sacrifiés au triomphe de la ligne droite par excellence.
Je l'avoue, je ne me consolerai jamais de cet acte de vanda-
lisme. Je profiterai de l'occasion pour apprendre à ceux qui
n'ont pas la moindre pratique de l'art, que rien n'est plus laid
qu'un pont suspendu. Les paysagistes frissonnent à la vue de-
cette ligne longue, raide et maigre, qui coupe en deux un magni-
fique tableau. Beaucoup de gens pensent que l'étrange est le
beau ; c'est là une grave erreur, qui a été la cause d'un grand
nombre de délits anti-pittoresques. Les auteurs de ce déplorable
projet ont l'intention d'orner les abords de leur pont de je ne sais
quels jardins enchantés, et pour subvenir aux frais de cette
création nouvelle, ils n'ont rien trouvé de mieux que de proposer
à la ville de vendre le Jardin des Plantes, de livrer le terrain à
des entrepreneurs, et d'y ouvrir des rues, il est inutile de
s'étendre sur tout ce qu'il y aurait de fâcheux dans la suppression
d'une charmante et unique promenade presqu'au centre de la
ville, et dans laquelle on trouve de l'ombre, un bon air et une
belle vue. Je ne parlerai pas de la naumachie romaine, dont la
mémoire se conserve encore dans le relief du sol ; il v a long-