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NÉCROLOGIE. 167 de la jeunesse ; la mort, en les frappant au moment du triomphe, semble nous demander pour elles plus de larmes et ajouter aux regrets que nous éprouvons , comme elle ajoute à la poésie de leur destinée. De bonne heure l'instinct poétique se manifesta en lui ; mais la preuve que cet instinct ne fut pas chez Reynaud, comme chez tant d'autres, un don passager de l'adolescence , c'est que l'auteur des Épilres y resta fidèle en dépit des distractions de toutes natures auxquelles il savait résister. Il eût pu se con- tenter de mener une vie élégante à Paris et dans ses terres ; mais une noble ambition le poussait, l'ambition d'être digne des amis déjà célèbres qu'il s'était choisis. H était bien près d'attein- dre son rêve ; son volume le plaçait à côté de Ponsard et d'Au- gier ; il venait mêler un peu de lyrisme et d'élégie au bon sens de l'un et à l'esprit de l'autre. Peut-être eût-il un jour abordé le théâtre ? Reynaud était, en effet, doué d'une grandeflexibilitéde talents, d'une merveilleuse aptitude à réfléchir le milieu littéraire dans lequel il vivait; 11 avait commencé par imiter, comme presque tout le monde. Puis , à force de travail, il avait épuré son goût et dégagé son originalité. Avant d'arriver à écrire la Ferme à midi, cette pièce si vraie de couleur où, la précision de la forme s'allie à une élégance sévère et familière, il avait entassé vers sur vers. On a dit de lui qu'il était impossible de le connaître sans l'ai- mer. Rien de plus vrai ; nul n'avait comme lui cette faculté de. sociabilité, cette abondance généreuse du cœur qui se répand et qui attire. Cette passion de l'amitié éclatait visible et at- trayante sur sa physionomie régulière , si vive, si ouverte , lé- gèrement colorée et toute méridionale. 11 était né, en effet, au- delà de Vienne, à cette limite où le midi commence. Qui s'est, plus que lui, dévoué à ses amis? Comme il épousait leur muse ! comme il la poussait dans le monde, témoin Lucrèce ; comme il était heureux de cette vie fraternelle et littéraire qu'il s'était créée ! Cher poète ! si le mérite d'un homme se mesure au\ regrets