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                                BIBLIOGRAPHIE                                     729

époques mystérieuses qui forment le champ de recherches des paléoethnologues,
mais aussi et surtout des périodes historiques qui ont précédé la conquête espa-
gnole et servi de cadre au développement des civilisations pré-européennes les
plus récentes. C'est en effet une chose digne de remarque que les travaux sur le
préhistorique américain sont à certains égards, plus avancés, plus précis, plus
vraiment scientifiques que la plupart de ceux qui ont été publiés sur l'état de
l'Amérique centrale entre les dixième et quinzième siècles de notre ère.
   Les opinions les plus fantastiques, les plus absurdes hypothèses ont été émises
sur l'âge relatif des antiquités innombrables découvertes dans cette partie du Nou-
veau-Monde ainsi que sur le point de départ des populations qui les ont laissées.
Certaines idées préconçues, certains rapprochements superficiels, certaines théo-
ries inflexibles devant lesquelles toute histoire orthodoxe doit humblement s'in-
cliner, sont venus d'autre part embrouiller ces questions. C'est vraiment miracle
que quelqu'un se soit senti assez de courage pour jeter loin de soi tout ce fatras
de théories hâtives ou ridicules et se mettre résolument en quête de documents
positifs et surtout de première main qui puissent servir au tracé des principales
lignes d'une histoire nouvelle présentant quelque certitude, ou tout au moins un
certain air de vraisemblance et de sens commun.
    Cette tâche, M. Désiré Charnay l'a entreprise. C'est dire qu'il l'a menée à
 bien dans toute la mesure du possible. Il a visité à deux reprises, en 1857 et en
 1880, le Mexique méridional et le Yucatan, ainsi que la petite république de Gua-
temala et partout il y a rencontré les restes d'une civilisation homogène et relati-
 vement moderne, la même que beaucoup d'archéologues ont voulu vieillir outre
mesure et rattacher, sur la foi de quelques ressemblances plus apparentes que
réelles, à la civilisation égyptienne. M. Charnay proteste, dans sa préface, contre
 toutes ces prétentions. Il compare la question américaine à « ces interminables
procès quel'on se lègue de père en fils, apportant àla famille des avocats du travail
pour plusieurs générations. » 11 convient d'ajouter qu'ici l'avocat a été judicieux et
habile et qu'il a plaidé sa cause de telle sorte que l'on peut considérer aujourd'hui
le procès comme bien terminé. Et l'on prend, à suivre son argumentation, autant
de plaisir que de sérieux intérêt. Point d'appareil scientifique, point de termino-
logie rebutante, un style élégant et lucide, d'une charmante simplicité ; les
détails trop spéciaux artistement fondus dans le récit du voyage, toujours atta-
chant et plein d'humour, ce sont là des qualités qui suffiraient à assurer au livre
que nous analysons un succès réel et bien mérité. Si nous ajoutons à cela qu'il a
été édité chez Hachette, et que rien n'a été négligé pour en mettre la partie ar-
tistique au niveau du texte, il ne paraîtra pas trop téméraire d'affirmer que
M. Désiré Charnay atteindra le but qu'il s'est propose : reconstruire et fairecon-
uaître la civilisation du Mexique et de l'Amérique centrale antérieurement à l'ar-
rivée des Européens, et rétablir, en ce qui la touche, la vérité historique. Les
conclusions de son ouvrage peuvent se résumer en trois propositions principales :
   Cette civilisation est moderne.
   Elle est homogène et toltèque.
   La race qui l'a importée est d'origine asiatique ou plutôt malaise, et elle a
emprunté aux races polynésiennes et aux tribus des Antilles une foule d'usages
et d'objets.
   Si de nouvelles découvertes peuvent venir modifier un peu et surtout compléter
l'ensemble établi par le spirituel auteur des Anciennes villes du Nouveau-
      DBCEMBKE 1884. — T. VIU                                              4t3