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                             LE CONTE                              591
barrassant, mais en voici un autre où la rencontre est plus sin-
gulière.
   La constellation de la Grande Ourse, que nous appelons aussi le
Chariot, ou le Chariot de David, a été souvent regardée par les
anciens comme un attelage de bœufs, conduit par un personnage
stellaire nommé le Bouvier ou Bootès par les Grecs, tandis que la
constellation elle-même a été appelée par les Latins le Septentrion,
c'est-à-dire les sept bœufs, du mot triones, qui désignait les bœufs
dans la langue des paysans du Latium, En Egypte, la Grande
Ourse est aussi un bœuf, et si l'on se demande d'où viennent de
semblables assimilations, on reconnaîtra que la Grande Ourse
tournant très visiblement autour du pôle Nord, c'est-à-dire autour
de l'axe du ciel, elle semble par suite le faire tourner, d'où son
nom d'Hélice en grec. Or, l'animal que les anciens employaient
d'habitude pour faire tourner l'axe des pressoirs ou des machines
à eau était le bœuf; c'est donc le bœuf qu'on a choisi instinctive-
ment pour représenter le moteur supposé de l'axe céleste, c'est-à-
dire la Grande Ourse.
     Un troisième exemple révélera une nouvelle coïncidence plus
 difficile peut-être à comprendre, mais encore possible à éclaircir.
 En Egypte, en Grèce et à Sumatra, dans la Malaisie, le Temps a eu
pour emblème une corde tressée par un homme et mangée par un
 animal. Pourquoi? C'est que le Temps, avec son alternance de jours
et de nuits, éveille aisément l'idée d'une trame toujours faite et
toujours défaite, comme la toile de Pénélope. L'auteur du Temps
est un dieu bon, représenté comme tel sous la forme humaine ;
le destructeur du Temps est un dieu mauvais, représenté comme
tel sous la forme bestiale, et nous retrouvons ainsi, sans trop
d'efforts, tous les éléments du mythe, conçu de la même manière en
Egypte, en Grèce et à Sumatra.
    Il serait facile de multiplier les comparaisons de ce genre ; mais
les trois exemples cités montrent assez que ce qui a eu lieu pour
les mythes a pu et a dû avoir lieu aussi pour les contes, qui ne
sont à l'origine que la mise en œuvre, par le narrateur ou l'aède,
de mythes déjà combinés par le sorcier ou le prêtre. Yoici, en
conséquence, le critérium à adopter : lorsqu'un sujet de conte se
retrouve chez les peuples d'une même race, il peut dériver, par