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LE CONTE* Personne n'ignore qu'il a existé dans l'antiquité et qu'il existe encore aujourd'hui toute une littérature enfantine et populaire, celle des contes, qui durant de longs siècles n'a jamais eu rien à souffrir ni à craindre des révolutions du goût, des différentes conceptions de l'art, et même des grands déplacements d'idées qui ont bouleversé la face du monde. L'humanité a passé de l'antiquité au moyen âge, et du moyen âge à l'ère moderne, les civilisations grecque et romaine, le paganisme, la féodalité et bien d'autres choses ont vécu, mais ni le Petit Poucet ni le Petit Chaperon rouge ne sont morts, et ils sont pourtant bien plus vieux que tout cela. Quelle est, au fond, cette littérature d'une vitalité assez puis- sante pour assurer à des récits de nourrice l'immortalité qu'ob- tiennent si difficilement les chefs-d'œuvre ? Peut-on, malgré son ancienneté et son étendue, l'apprécier avec connaissance de cause? Peut-on déterminer ses caractères, ses origines et ses limites ? Il ne paraît pas que ce soit impossible. I. — CARACTÈRES Un des principaux caractères du conte est assurément celui qui vient d'être signalé, sa durée, et sa durée tient à son public, les enfants grands et petits dont l'humanité est en partie composée. Voilà à peu près comment et pourquoi. Un conte, comme on le verra tout à l'heure, est généralement 1 Conférence municipale du 29 février 1884.