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                               BIBLIOGRAPHIE                                    557
  romancier, s'il a des lettres la haute opinion qu'elles doivent inspirer à tous,
 s'il est bien convaincu de la portée de son œuvre, et s'il regarde ses productions
 comme quoique chose de plus noble que do la copie à tant la ligne, comprendra
 qu'il a lui aussi une mission à remplir. Comme le prêtre au confessionnal, il tou-
 chera à toutes les souillures de l'âme humaine, il n'en évitera aucune. "Le soleil
 ne salit pas ses rayons à éclairer les fumiers ; 11 les dore et les fait resplendir
 lumineusement. Ainsi l'écrivain montrera un homme, une société, une race, tels
 qu'ils sont. Ceux-là seulement dont l'âme est basse et pleine de honteux appétits
 s'attarderont au luxe des détails qui seront alors le piment de corruption
 destiné à caresser le palais blasé dos foules. Sous quelque nom qu'ils cherchent
 à se déguiser, ils sortent tous d'une souche commune, ils ont un ancêtre unique :
 par euphémisme, on l'appelait le divin marquis, comme les Italiens du xvr°
 siècle disaient, il divino Pietro Aretino
    Le thème que développe M. Péladan, c'est la décadence dos races latines.
 Convaincu que c'est des sommets que descend la corruption qui arrive insensi-
blement à gangrener tout un peuple, il la recherche dans les classes supérieures
do la société. Il n'est point tendre pour elles. Les deux sermons qu'il met dans la
bouche du P. Alta, prêchant à Notre-Dame, pourraient tomber du haut de la
chaire sans risquer de frapper à faux. A quoi bon insister là-dessus ? Dans ce
qu'on est convenu d'appeler le monde, il y a de belles et nobles existences, des
vies consacrées au bien, des âmes pénétrées de leurs devoirs. Mais à côté, que
de mondains et de mondaines semblables aux portraits que peint l'auteur du
 Vice Suprême ! Femmes désœuvrées, sans souci d'être utiles à qui que ce soit,
sans affection pour un mari qui vit chez des filles ou dans des écuries, l'obser-
vateur les retrouve les mêmes à toutes les époques. Les chroniques scandaleuses
de tous les règnes les représentent exactement comme fait le comte Horace de
Viel-Castel dans ses implacables Mémoires, poursuivis avec tant d'acharnement
et à qui l'on a tenté d'interdire l'entrée du territoire français, comme font
chaque matin les échotiers parisiens, délayant dans leur encrier tous les scan-
dales de la veille, les embarquements pour Cythère ou pour Lesbos, les trafics
honteux et les complaisances chèrement payées.
   Et à côté de cette dépravation des sens, quelle dépravation plus profonde que
celle de cette princesse d'Esté qui est l'héroïne du roman ! Orgueil poussé à ses
plus extrêmes limites, succombant enfin et flagellé comme il le mérite ! Reine
par la beauté, par l'intelligence, par la richesse, la princesse a repoussé dédai-
gneusement toutes les adorations. Les cœurs se sont brisés à la dureté do ce
marbre. Un jour vient où la corruption du cerveau gagne les sens et le cœur.
Folle d'amour, elle se traîne aux genoux d'un moine qui détourne la tête et passe
son chemin, les deux mains croisées sur sa robe blanche, sans plus se soucier
d'elle que d'une pierre rencontrée au hasard de la route.
   Au risque de passer pour un plagiaire et do répéter ce qu'a dit M. Barbey
d'Aurevilly dans la remarquable préface qu'il a écrite pour ce volume, je con-
viendrai que, comme lui, je goûte assez peu le personnage de Mérodach et l'in-
tervention de la magie dans cette histoire. Outre qu'elle est passablement invrai-
semblable, elle nuit, je crois, à l'effet du récit. Au surplus elle n'était point
nécessaire. La marche inéluctable des faits suffisait à amener le dénouement.
Les événements sont de terribles logiciens. Leurs conséquences s'enchaînent
comme les mailles d'un filet. A qui veut bien y réfléchir, il est impossible de ne