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460 LA REVUE LYONNAISE buait non moins libéralement des coups de cravache, à seule tin de parfaire son éducation; il ne lui épargnait pas les verges, l'ai- mant beaucoup, et à sa manière, et ne le battait vraiment avec cruauté que lorsqu'il avait bu, d'aventure, un peu plus que son content. Régis mangeait de grand appétit, buvait avec plaisir, et récoltait sans regimber les horions les plus variés. Il se consolait de la monotonie du régime et de la régularité des corrections, par le plaisir de voyager d'un bout de l'an à l'autre, tantôt dansant la farandole au pays basque, tantôt menant la ronde autour d'un mai breton. Il cueillait des olives en Provence, du cassis en Bourgogne, du raisin chez les Gascons, des châtaignes dans le Cantal, mais regrettait les pommes de Normandie. Il tra- versait des villes, des villages, des bourgs, des hameaux ; il fran- chissait des fleuves, escaladait les collines, courait sur les routes, se reposait à l'ombre des vieux chênes, ramassait des fleurs des champs, croquait des fruits verts, maraudait dans les vergers, ra- pinait dans les basses-cours. Toujours en plein soleil, sous le vaste ciel bleu. Et il chantait, sans ralentir, l'heureux vagabond qui vou- lait avoir le monde entier pour patrie, et ne se rappelait pas plus le lieu où il était né, qu'il ne s'inquiétait du coin de terre où il mour- rait. Libre !... Libre, et chargé de chaînes et joyeux même quand la pluie crépitait sur son dos, même quand ses jambes cagneuses enfonçaient dans la boue, même quand le'firmament s'embrasait de flammes violettes, même quand le tonnerre grondait, et que le vent mugissait à travers les arbres, et que les ténèbres venaient, opaques, terribles, pleines de spectres, de vampires, de soupirs confus, de plaintes lamentables, avec la Peur, reine de la nuit. Or, il advint qu'un jour, dans un pays très lointain, le petit Régis, déjà grandelet, vit enfin une chose qu'il n'avait jamais vue. Il entra, à son tour, dans une baraque, sur un champ de foire déjà encombré, où Langatroubéou ne voulut pas planter sa tente par dédain. Une baraque misérable, sale, devant laquelle deux bohémiens et leurs femelles, couverts d'oripeaux sordides, menaient un tapage de tous les diables, avec leurs infernales musiques hurlantes et sauvages. Dedans, on voyait une cage spacieuse, pas très solide, avec des barreaux de fer minces et ronds ; un plancher jonché de paille. Des lions regardaient languissamment les eu-