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BIBLIOGRAPHIE 447 fragments également dignes d'échapper à l'oubli, ne serait-ce que par le style : mais s'il était permis d'en dérober et d'en encadrer un seul, afin de le proposer à tous, moins comme un échantillon d'élégance et de précision que comme un mo- dèle de virilité, de justesse de vues, de sincérité et de chaleur patriotique, le choix serait bientôt fait; malgré ses lacunes, — M. Rousse n'a pu ni tout voir, ni tout dire, et n'aspirait point, d'ailleurs, à la publicité, — nous retiendrions les Sou- venirs du Siège et nous les offririons à l'école réaliste, qui ne peindra jamais do tels tableaux avec une semblable palette et ne rencontrera jamais surtout, quoi qu'elle tente ou qu'elle veuille, de tels accents. Ils n'auront peut-être pas, bien qu'ih en soient mille fois plus dignes, autant d'éditions que V Assommoir de M. Zola. Mais M. Rousse ne s'y attend pas plus qu'il n'y aspire : il n'a ja- mais brigué la popularité. On peut lui garantir un lot meilleur : l'estime de ses concitoyens, l'admiration des délicats, la confiance et le respect de la postérité. HENRI BBAUNB. DANSL1ÃS MONTAGNES-ROCHEUSES, par le baron E. DU MANDAI-GRANCBY. Dessins de CBAFTY, et carte spéciale. — Paris, librairie Pion, W&i. — 1 vol. in-18, prix 4 fr. J'ai rarement éprouvé, à lire un récit de voyages, un plaisir aussi vif que celui que m'ont causé les souvenirs de l'expédition de M. de Mandat-Grancey dans les Montagnes-Rocheuses. Ce volume est écrit avec un brio endiablé, une verve toute française. L'homme se fait connaître et ainier à travers son Å“uvre. Brave sans forfanterie, affrontant sans sourciller et le rire à la lèvre les incommodités et les périls qu'entraîne une excursion dans les contrées neuves du Far-West, il va gaiement son chemin, la carabine en bandoulière, le revolver à la ceinture, observant et notant les spectacles étonnants pour un Européen qui se présentent chaque jour à ses regards ; et de retour à son foyer, il nous offre un livre où, sans effort, il intéresse et charme son lecteur. Cette course aventureuse à travers la prairie nous emmène bien loin et nous repose des éternelles visites au Colysée ou à la grotte de Virgile, et des non moins classiques que fatigantes disserta- tions qui en sont l'accompagnement nécessaire. Sous la plume de l'alerte écrivain, les tableaux de mÅ“urs américaines se pressent, crayonnés à la hâte, mais vivants, animés. Les spirituels dessins de Grafty qui illustrent le volume, les ont exprimés fort heureusement. Mais le côté pittoresque n'est pas le seul qui doive attirer l'attention du lecteur. Je signalerai à son étude la partie pratique de l'Å“uvre qui n'est pas la moins in- téressante. Notre agriculture nationale est dans toutes ses branches, et même dans l'élevage du bétail qui lui présente aujourd'hui sa dernière ressource, gra- vement atteinte et irrémédiablement menacée par la concurrence américaine, à laquelle vient s'ajouter celle de l'Australie et des Indes. Chaque jour, dans les revues, dans les feuilles quotidiennes, les économistes s'évertuent à le répéter. A l'appui de leurs sinistres prédictions, M. de Mandat-Grancey apporte des faits et des chiffres qui ne sont malheureusement pas de nature à nous rassurer. Il dépeint d'immenses étendues de terres à peu près vierges que sillonnent les charrues à vapeur, où l'agriculteur n'a que la peine de répandre son grain, où le sol est compté pour rien, où l'on peut pendant quinze ou vingt ans récolter