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442 LA REVUE LYONNAISE de son successeur et le Midi depuis longtemps réveillé, se retrouva et reprit son autonomie. « 11 fallut un traité, il fallut une alliance royale pour effacer, entre les deux France, la sinueuse et facile barrière de la Loire : La France du Nord n'avait pu s'implanter sur nos terres, elle conquit plus aisément nos cœurs. Peu à peu, les races se mêlèrent, les mains s'étreignirent. Il n'y eut plus ni Nord ni Midi, il n'y eut qu'une France ! « Ce qu'elles sont devenues les deux sœurs étroitement unies, à travers les siècles, sous l'autorité de nos Rois, je n'ai pas à le dire : un seul nom, lo nom de Français a réuni leurs enfants et les réunira toujours dans une même pensée de paix et d'amour. « L'œuvre commune dans les arts, les sciences, les lettres, les armes, a été immense ; elle est immortelle. Elle a honoré et grandi l'humanité. La part du Midi dans cette gloire unique, a été large ; ai-je besoin de la rappeler ici, lorsque je vois se balancer, là -bas, les cyprès à l'ombre desquels repose endormi dans sa tombe guerrière, un des glorieux fils de Muret, le héros de Solférino et de Bomarsund, le maréchal Niel. « Ce n'est pas à nous à toucher à des questions historiques si graves, à étudier les grandes catastrophes et leurs résultats, à faire la part de l'à pre convoitise, de l'ambition sans frein, et celle qui revient à une foi sincère. Français dévoué?, chrétiens soumis, reconnaissant le double bienfait de l'unité religieuse et de l'unité nationale, nous ne craignons pas de baiser avec respect ce sol où coula le sang de nos ancêtres vaillants et malheureux, et nous ne séparons pas ces deux cris : Honneur à nos pères et vive la France ! « Dans ces champs où la main de Dieu pétrissait le 12 septembre 1213, une grande nation, je ne sais distinguer aujourd'hui que cette vaillante armée du Midi. Il me semble voir s'élancer hors du camp ces frères séparés par les Pyrénées : les Catalans bruns et rapides, les fiers Aragonnais, les Gascons archers incom- parables, et les agiles et fidèles montagnards du Gomminges et du Cousserans, et les indomptables vassaux de Foix, de Pamiers, de Montségur, et les milices Toulousaines, audacieuses et téméraires... « Et dans ce fracas des armes, au bruit de ces coups si furieux et si retentis- sants qu'on eut dit des bûcherons abattant une forêt ', au milieu dé nuages de poussière, à travers une mêlée rouge, un point nous attire entre tous, celui où le roi don Peyre d'Aragon, l'allié de nos pères, entouré de ses preux, lutta jusqu'à la mort. « Dans ces temps dont nous ne pouvons plus comprendre l'esprit, la vie du chef, du Roi surtout, de la tête qui avait conçu le dessein auquel tous concou- raient, était d'un prix inestimable. On revêtait ses armes, on désignait par ses couleurs un de ses plus fidèles qui devait tromper l'ennemi et attirer ses coups pour que lo Roi, déguisé sous une armure plus modeste, fît plus librement œuvre de soldat, frappant d'estoc et de taille, à coups de poings s'il le fallait — à la fois ingénieur et manœuvre dans cette usine de la mort ! « Les chevaliers français qui avaient juré la mort du roi d'Aragon, ayant taté son représentant et ne le reconnaissant pas à la vigueur de son bras, s'écrièrent: 1 Guillaume de Puylaurens.