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       LA MORALE DANS LES FABLES DE LA FONTAINE                   369

    Qu'est-ce que la morale en effet ? La loi divine dont l'exécution
 est assurée par une sanction surnaturelle. Personne ne s'avisera,
je suppose, de chercher dans les fables de La Fontaine les pré-
 ceptes de cette loi. Ce n'est pas le fabulisie qui proposait cette
 morale à la société du dix-septième siècle. Les vrais moralistes de
 ce temps-là s'appelaient saint Vincent de Paul et Bourdaloue :
l'un prêchait au peuple la loi de Dieu par son exemple, l'autre
 enseignait par la parole les vérités éternelles aux grands, au Roi
lui-même.
    Que parle-t -on de morale à propos de leçons qui n'ont d'autre
 prétention ni d'autre mérite que de montrer la manière de s'y
prendre pour n'être dupe en ce monde ni de soi, ni des autres.
    La morale, c'est là un bien gros mot, dont il est facile d'écraser
une œuvre légère, purement humaine, un peu païenne si l'on veut,
qui n'est élevée que par le sentiment, où la nature humaine est
étudiée en elle-même, sans souci de sa destinée, qui plaît par le
charme des récits, la vérité de l'observation des faits et nullement
par les idées doctrinales.
   Cette Å“uvre, il faut la prendre et la juger telle qu'elle est; et
non pas la condamner pour ce qu'elle n'est pas et n'a pas la préten-
tion d'être. Ce qu'elle n'est pas, il est aisé de s'en convaincre.
Elle n'est pas une Å“uvre de doctrine.
   Une doctrine, qui mérite ce nom, doit, avant tout, être consé-
quente avec elle-même, ses préceptes doivent s'accorder entre
eux. L'un ne peut pas exclure l'autre ; s'ils se contredisent, ils
perdent toute valeur ; un ensemble de préceptes contradictoires
n'est pas une doctrine.
   Eh bien, c'est là un des caractères de la prétendue morale des
fables de La Fontaine, Elle est contradictoire ; sur beaucoup de
points, elle enseigne le pour et le contre.
   Que n'a-t-on pas dit, par exemple, de l'immoralité de la pre-
mière fable du recueil, celle de « La cigale et la fourmi ». Si elle
contient une leçon de travail et d'épargne, elle ne prêche pas la
charité ni la pitié. Non seulement l'opulente fourmi refuse l'au-
mône, mais elle ajoute à son refus une cruelle moquerie.
                  Vous chantiez, j'en suis fort aise,
                   Eh bien ! dansez maintenant.