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346                  LA REVUE LYONNAISE
l'ornement des Provinces. Grégoire de Tourslui donne la qualité
de très noble, non seulement pour sa charmante situation, ses palais
magnifiques ; mais encore plus pour avoir esté le lieu où s'est
répandu le sang des martyres pour conserver la foy de Jésus-Christ,
du temps de la persécution d'Antoninus Verus. C'est une belle
chose et tout à fait agréable que de voir la Saône et le Rosne, deuy
des plus belles rivières du royaume qui la traversent. Cette première
appellée par les Latins, Araris, prend sa source du mont-Vogèse
en Lorraine, et après avoir arrouséMascon, Chaalons, et la Bour-
gogne et s'être grossie de plusieurs rivières, vient se jetter dans le
Rosne après avoir rendu ses hommages à la ville de Lyon. Mais
cette seconde appellée par les latins Rhodanus, est grande, profonde
et dangereuse en quelques endroits, à cause de ses gouffres qui y
attirent les bateaux dans le précipice, lorsqu'on y pense le moins,
si les matelots ne sçavent adroitement les éviter. Elle prend sa
source des Alpes et ayant passé par Vienne, Tournon, Valence,
Viviers, Avignon et ayant pris dans son sein, la Saône, l'Isère, la
Durance et autres, près d'Arles en Provence se jette dans la Médi-
térannée.
    La commodité et la proximité de ces deux rivières, comme aussi
 de la Loire, qui n'en est éloignée que de quinze lieues ou environ,
facilitent les transports des marchandises par toute l'Europe, d'où
les marchands qui sont en cette ville en bien plus grand nombre
que les nobles, y sont attirés; parmy lesquels quelques-uns s'enri-
chissent de l'achapt des livres qu'ils font à la foire de Francfort,
les autres par le débit de la soye et les derniers par la négoce de
l'argent qui y est avec une correspondance si universelle par
l'Europe que plusieurs en peu de temps deviennent opulemment
 riches. Elle est le cœur et la clef du royaume et un très grand
passage pour aller en France par la Bourgogne, par la Savoye en
Italie, et par les Suisses en Allemagne. Ses habitants sont extrê-
mement adroits pour le trafic, ont l'humeur aimable et un naturel
charmant; leur langage est mêlé de quelques mots provençaux,
leur accent et même la prononciation est semblable à celle des
Italiens, dont la langue ne leur donne aucune difficulté: c'est ce
que j'ay pu remarquer de leurs mœurs dans un séjour de quinze
jours que j'y ay fait. Passons à parler d'autres choses.