Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                               BIBLIOGRAPHIE                                    337
Gueux nous avait fait passer par les Caresses, pour nous donner enfin ce recueil
quelque peu incohérent de Blasphèmes. La descente est sensible.
   Exceptons, si vous voulez, le Juif errant, deux fragments de la Mort des
Dieux, de VApologie du Diable et quelqu'une des romances de la Chanson du
sang et vous reconnaîtrez avec moi qu'on goûte pour le moins aussi peu de plaisir
littéraire — toute question de fond mise à part — à ces blasphèmes à froid qu'à
certains recueils de mauvais cantiques qu'on laisse entre les mains des simples
d'esprit.
   Est-ce bien là ce que cherchait l'auteur?..



      ÉMAUX BRESSANS par GABRIEL VICAIRE, Paris, Charpentier, in-18.

   Celui-là est plus consciencieux. La conscience, belle qualité pour un poète !
me direz-vous. D'accord, mais vous ne m'empêcherez pas de prendre plaisir à
ces Émaux bressans si bien nommés, fondus avec tant d'art et frais à l'œil, plus
frais peut-être que ne le croit M. Gabriel Vicaire...
               Combien je vous aime, ô voix argentines,
               Cloches du pays, sœurs de mes vingt ans !
               Ave Maria, laudes et matines,
               Combien mon cœur bat quand je vous entends!

  N'est-ce point exquis? Et il est plein de ces images poétiques ce charmant livre
du Bressan.
                    Au petit jour, voici la Jeanne
                    Qui part avec sa mère grand,
                    Pour la foire de Saint-Laurent,
                    A califourchon sur son âne...


                     Quand tout à coup notre gaillarde
                     S'arrête ; elle se dit : « Bien sûr,
                     Là bas derrière ce gros mur,
                     C'est Jean-Louis qui me regarde. »
                     Et de rougir. — On voit trembler
                     Sous le fichu sa gorge pleine.
                     Amour, à la Saint-Jean prochaine,
                     Aura, je pense, à qui parler.

   C'est bien paysan, bien français, tout cela. On reconnaît, à suivre M. G. Vicaire
dans ses courses bressannes, que le pays qu'il décrit est le sien, et que c'est bien
la Bresse plantureuse, fiévreuse aussi. Quant à dire que ses paysans, ses fillettes,
ses cabaretiers, sont les paysans de Millet, ou ceux encore des félibres, — à qui
   faut toujours revenir pour le naturalisme sans grossièreté, — je ne le ferai
point. Un très éminent critique, qui est un maître de notre temps, M. Maxime
Gaucher l'a dit l'autre jour, avec un tact profond : Les paysans de M. G. V. ne
sont pas ces paysans d'opéra-comique qu'on met en scène d'habitude, mais les
paysans de Georges Sand. Et c'est là un passable éloge dans un temps où on
invoque plus souvent la vérité qu'on ne la rencontre. Lisez seulement et relisez,
 pour v ous bien pénétrer du charme, les quinze ou vingt pièces qui terminent ce