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            DÉCOUVERTE D'UN CHRIST EN BUIS                     301

   Enfin, dans un large socle, qui supporte la croix et le crucifix
de Lyon, s'ouvre une niche profonde, où une mater dolorosaes^
assise. Elle est également en buis, d'un art non moins admirable et
vient ajouter son prix à la création principale.
   Une autre question est ici à débattre, qui présente un véritable
intérêt. Quelle a été la destinée de ces deux crucifix depuis leur
origine ? Et surtout, quel a été le sort de celui que nous venons
de retrouver si inopinément? Comment des mains de Jean Guiller-
min, en 1660, est-il arrivé méconnu, oublié, perdu, dans les
mains de M. l'abbé Cattet, vers l'année 1825 au plus tard.
    Le christ d'Avignon était depuis longtemps entouré d'une au-
réole de légendes poétiques et populaires. Lorsque, il y a bien
longtemps, je visitais à l'hospice des aliénés d'Avignon l'œuvre
fameuse du sculpteur lyonnais, les Guides de voyage, les livres
même d'érudition locale, rapportaient des récits émouvants sur son
origine. Mes cicérone me racontèrent que, condamné à mort pour
un meurtre commis après une nuit de jeu, Jean Guillermin, pour
racheter sa vie, offrit aux Pénitents de la Miséricorde de leur
donner ce christ, qu'il avait sculpté au fond de sa prison dans un
profond sentiment de repentir. Les Pénitents noirs, chargés d'ac-
compagner les criminels au dernier supplice, avaient reçu du pape
Clément VIII, le privilège de délivrer chaque année un condamné
à mort à la fête de la Décollation de saint Jean-Baptiste. Les
Pénitents de la Miséricorde s'empressèrent d'accepter cette offre ;
car, en même temps, ils sauvaient la vie à un grand artiste et
acquéraient, sans bourse délier, une œuvre d'art qui répondait si
bien à l'esprit charitable de leur confrérie.
    Mais des documents historiques ont fait évanouir ces fictions
de l'imagination populaire. M. P. Achard, archiviste deVaucluse,
 a tiré des Registres des Délibérations de la confrérie de la
 Miséricorde d'Avignon, un procès-verbal dont nous transcrivons
 ici un extrait authentique :
    « L'an 1659 et le 16» d'apvril estants assemblés Messieurs le
 Recteur et Confrères dans la chapelle de la dicte Compagnie, frère
  Pol Guichard, vice-recteur d'icelle, a remonstré que, puisque le
  dessin de la dicte Compagnie est despuys longtems de faire faire
  un beau crucifix pour porter aux processions solemnelles.