Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                     LE ROMAN NATURALISTE                         261
  ment ni une larme. Aussi n'est-ce pas la faute de l'abbé Mouret
  que M. Zola eût dû appeler son livre, mais bien l'aventure ou
  l'accident de l'abbé Mouret.
     Faut-il poursuivre? Faut-il parler delà sœur de Serge, l'idiote
 Désirée? d'Hélène Grandjean, la veuve honnête femme à'Une page
 d'amour qui se laisse tomber un jour sans savoir pourquoi dans
 les bras d'un homme dont elle perd presque jusqu'au souvenir? De
 sa fille Jeanne, gamine de douze ans, devenant amoureuse du même
 homme que sa mère, et mourant de jalousie? Faut-il parler des
 derniers descendants de la famille Macquart, que M. Zola déclare
 tranquillement dans son arbre généalogique être en état de vice, en
 état de crime ou en état d'honnêteté ?
     Tous ces personnages sont dans la logique du système, mais
 peut-on dire sincèrement qu'ils sont dans la vérité des faits? Quoi!
 en observant une classe d'hommes, comme le clergé par exemple,
 M. Zola n'a trouvé que des hallucinés comme l'abbé Mouret, des
ambitieux effrénés comme l'abbé Faujas, des sceptiques indiffé-
rents comme l'èvêque de Plassans, ou des naïfs imbéciles comme
l'abbé Bourrette1? En observant les femmes, il n'a trouvé que des
nèvrosiaques comme la plupart de ses héroïnes, ou des natures
épaisses et bestiales comme la charcutière Quenu2? Il affirmera,
sans doute, qu'il a vu et observé tout cela, soit. Mais- nous nous
permettons de douter tout au moins que si ces créations sont réel-
lement le résultat de l'observation, cette observation ait été abso-
lument impartiale et dégagée de toute idée préconçue, et que, dans
l'expérience instituée, puisque c'est ainsi que les naturalistes ont
l'étrange prétention de qualifier leurs ouvrages, il n'ait pas donné
une légère entorse à la réalité.
    Et, du reste, peu nous importe. Ces .pantins, mus parles ficelles
du déterminisme, fussent-ils réels et vivants, ne seraient que des
exceptions. Toutes les familles n'ont pas de névrose héréditaire.
L'auteur a recherché les cas curieux et bizarres, il a dessiné vigou-
reusement une série de portraits dans un hôpital d'aliénés. Cela
peut avoir un certain intérêt pour l'étude des causes souvent mjs-

 ' Voir La Conquête de Plassans.
 * Voir Le Ventre de Paris.