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                    L'EXPOSITION DE TURIN                         255
   Engageons-nous dans la rue. Les maisons sont hautes, perchées
sur des portiques. Les toits se redressent en pignons et en tourelles.
Les étages s'avancent en porte-à-faux les uns au-dessus des
autres. Les murs sont en briques, en pierre, en torchis. Les char-
pentes sont partout énormes, apparentes ; plusieurs délicatement
guillochées et sculptées, ou peintes de couleurs crues. Les têtes
de poutres s'arrondissent, se tordent en figures fantastiques. Les
fenêtres sont rares, petites ou coupées de meneaux dans les deux
sens. Les châssis des croisées sont garnis de papier huilé ou de
petits losanges de verre enchâssés dans un réseau à mailles de
plomb. Partout la pierre est sculptée, ou recouverte de fresques
ou d'appliques en terre cuite. C'est une débauche d'ornementation
naïve, un décor perpétuel d'une charmante originalité.
   A droite et à gauche, tout le long, s'enfoncent les portiques,
bas, aux arcades de pierre ou aux lourds piliers de bois; voûtés,
comme des porches d'église, ou plafonnés à caissons, comme des
salles de château ; élevés d'une ou deux marches au-dessus du
sol de la rue ; servant de vestibules et de dégagements aux
boutiques et aux ateliers qui s'ouvrent au fond. Chaque boutique,
chaque atelier est occupé par des artisans et des bourgeois,
hommes et femmes, en costume du temps. Voici l'atelier du for-
geron, celui du chaudronnier, celui du menuisier-ébéniste,
sculpteur sur bois, celui du potier, celui du tisserand. Voici la
fruitière, la marchande d'étoffes, de tapis, de meubles, de bibelots.
Voici le cabaret, où les vins et les liqueurs du dix-neuvième siècle
sont servis dans des flacons et des pots du quinzième. Bazar
étrange, dans lequel se heurtent deux mondes, réunis et confondus
par une fantaisie d'artistes.

                                 * *

   La rue s'élargit en faisant un brusque détour à gauche. Nous
sommes en face de l'église. La façade est couverte de fresques. La
porte est fermée. On cherche instinctivement le custode pour se
la faire ouvrir, quand on s'aperçoit que cette façade alléchante
cache l'absence du reste. D'impérieux motifs financiers ont imposé
ce trompe-l'œil à la commission. A gauche, au-delà d'un passage