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             LETTRES DE BERNARD DE LA MONNOYE                                         9

quentes dont le port seroit cher, et lesquelles ne contiendroient que des répéti-
tions ? Je vous raanderois que votre mère et moi nous nous portons bien, que
votre frère et vos sœurs m'ont bien prié, lorsque je vous écrirais, de vous faire
leurs recommandations. Ensuite je vous exhorterais à continuer de bien remplir
votre devoir de religieux, à cultiver votre mémoire et à augmenter par vos p r é -
dications l'estime que vos supérieurs et les gens du siècle peuvent faire de vous.
A votre égard que pourriez-vous m'écrire ? sinon que votre santé, grâce au ciel,
a toujours été bonne, ou que vous avez eu quelques fluxions qui vous ont incom-
modé, que vous avez prêché en telle et telle occasion, après quoi monsieur tel
ou madame telle vous auront régalé. N'est-il pas vrai que vos lettres et les
miennes n'ont guère roulé jusqu'ici que sur de pareils articles? Pour le coup
cependant j'ai quelque chose d'essentiel à vous faire savoir. Premièrement il
faut vous désabuser de la fausse nouvelle du mariage de votre frère. Non seu-
lement il n'est point marié, il n'a pas, qui plus est, grande envie de l'estre,
quoique s'il s'offrait quelque bonne occasion, il ne l'acceptast volontiers. Secon-
dement vous saurez que je suis à Paris dès le mois de juin dernier, que nous
avions dessein votre mère et moi d'en partir pour nous rendre à Dijon vers la
 Saint-Martin, et que depuis, comme le tems est assez doux, nous nous serions
mis en chemin, si les vives instances de votre frère ne nous avoient retenus.
 Comme il ne peut se résoudre à quitter Paris, il voudroit aussi nous y arrêter,
 nous aiant même dans cette vue cédé un appartement très-commode qu'il avoit
loué pour luirwe Sainte-Marguerite, faubourg Saint-Germain,porte cochère,
joignant celle de M. le commissaire '. C'est là désormais quand l'envie de
m'écrire vous prendra que vous pourrez adresser vos lettres, et c'est là que
 votre dernière m'a été renvoyée de Saint-Quentin. Elle m'a donné beaucoup de
joie et m'en auroit donné davantage si je ne m'y étois apperçu d'une simplicité
 qui a dû faire rire à vos dépens. C'est dans l'endroit où parlant de M. Tassinot,
 conseiller au parlement de Metz, vous ne traitez madame sa femme que de
mademoiselle. Si, comme je n'en doute pas, vous en avez usé de la sorte dans
la rencontre et pendant le repas, vous aurez bien honnêtement diverti la compa-
gnie. Estes-vous venu jusqu'ici sans savoir qu'aujourd'hui les simples avocates
sont traitées de Madame, à plus forte raison des officières et des officières«telles
que Madame Tassinot? On vient de me mander de Dijon que votre sœur l'ursu-
line 2 a un grand mal de gorge, et que la bernardine, qui depuis longtems est
malade, ne sauroit se rétablir. Pour votre mère, il semble qu'elle soit née



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     On voit que la Monnoye se rendit à Paris sans avoir le dessein d'y demeurer.
C'était simplement une visite qu'il voulait rendre à son fils aîné, en revenant de
Noyon, où il avait passé une année. Il paraît que les vives instances de ce dernier le
décidèrent à se fixer définitivement à Paris. A la date de cette lettre, 11 janvier 1708,
il n'était pas encore résolu à ne plus revoir sa ville natale.
   2
     Celte fille de la Monnoye avait, dit-on, beaucoup d'esprit. On lui attribue un
petit ouvrage très rare aujourd'hui et intitulé : Relation de la fête faite au mo-
nastère de sainte Ursule de Dijon, en mémoire de Vannée séculaire de son
établissement. Dijon, 1719, in-8. Cependant cette relation est signée par la mère
Marie de Saint-Augustin, supérieure. Ce qu'il y a de certain c'est que les cent vers
qui s'y trouvent sont de La Monnoye. (Voir Mémoires de l'Académie de Dijon,
1830, 1851, page 62). Note de M. l'abbé E. Bougaud.