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— 559 — CHRONIQUE MUSICALE LE STYLE NATUREL A propos du Poème de la Maison et de Mon Lac DE G.-M. WITKOWSKI « Quand on voit le style naturel, on est tout étonné et ravi ; car on s'attendait de voir un auteur et on trouve un homme ». PASCAL. Quelques-uns, je m'y attends, s'étonneront d'entendre parler de style naturel à propos de Witkowski : « Quoi i — diront-ils —, l'auteur de deux artificieuses sym- phonies, de la polyphonie touffue du Poème de la Maison, des ingénieuses combinai- sons mélodiques, harmoniques et rythmiques qui nous dépeignaient récemment les aspects changeants du lac de Paladru, n'est-il pas le maître par excellence de la mu- sique savante, disons même de la musique habile, si savante et si habile qu'elle n'est accessible qu'à un petit nombre d'initiés et déconcerte à chaque instant l'humble et naïf amateur i Est-ce là le langage naturel i ». — Oui, si le langage naturel est le langage vrai. Ne confondons pas le style avec la langue. La langue, c'est le vocabulaire et la grammaire. Le vocabulaire et la grammaire de la musique se sont enrichis et élargis singulièrement depuis vingt ou trente ans. La musique italienne qui ravissait Alfred de Musset se contentait d'une indigente et solitaire mélodie carrée, toujours de même coupe, modulant timidement aux tons voisins ; on l'accompagnait d'une douzaine au plus de formules harmoniques, en accords plaqués ou arpégés. Et cela servait à toutes fins. La polyphonie avait disparu. Les ressources du langage musical, déjà médiocres au temps des grands classiques, s'étaient encore appauvries. Seuls Berlioz en France, Schumann et Wagner en Alle- magne s'étaient préoccupés d'avoir une langue capable de dire autre chose que des radotages. Deux écoles, d'abord indépendantes l'une de l'autre, maintenant confondues, celle de César Franck et Vincent d'Indy, celle de Claude Debussy et Maurice Ravel, ont renouvelé l'écriture musicale. Witkowski a hérité de toutes les traditions de la première, à laquelle il appartenait, bénéficié de toutes les découvertes de la seconde, et j'imagine qu'il y a personnellement beaucoup ajouté. Comme il sait à merveille se servir de ces moyens d'expression, il n'est pas, en effet, à l'heure présente, de composi- teur plus savant ni plus habile.