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— 104 - • que la Serbie n'est pas près de pardonner à la Grèce de Constantin l'abandon de 1915, et d'ailleurs n'aspire-t-elle pas, elle aussi, vers la mer libre ? Trouvant des obstacles sur la route de l'Adriatique ne regardera-t- elle pas, elle aussi, vers l'Egée un jour ou l'autre? On voit quelle faible barrière cette longue frontière opposerait le cas échéant à des convoitises possibles. Certes, les avantages matériels que la Grèce retirait du traité de Sèvres étaient en apparence importants. Mais ne contenaient-ils pas en eux, pour le pays, des germes de faiblesse ? L'avenir de la Grèce projetant sur Gallipoli et sur Smyrne de monstrueuses antennes paraissait-il sûr ? N'allait-on pas encore vers de nouveaux conflits où l'étendue même des territoires à défendre et l'éloignement des postes avancés eussent été pour la Grèce une raison d'infériorité et un véritable danger ? On voit maintenant combien est fragile l'œuvre que les diplomates de l'Entente ont accomplie ; on voit combien le traité de Sèvres au lieu de régler et de simplifier la situation orientale l'a embrouillée et compli- quée comme à plaisir. Il est facile d'édifier des théories politiques, mais la réalité qu'on néglige ne perd jamais ses droits. On l'a vu du reste dans l'aventure orientale. A cet égard, quelque fâcheuses que soient les conséquences des élections grecques à tant de points de vue, il est tout de même heureux qu'elles se soient manifestées à un moment où tout n'est peut-être absolu- ment irréparable. On peut dire qu'elles ont éclairé la situation. Je sais bien que les fonctionnaires du Foreign Office qui gravitent autour de lord Curzon et qui sont responsables de la politique que l'Entente a suivie en Orient ne se résignent pas de bonne grâce à ouvrir les yeux, mais tout de même la vérité finit par percer et il a fallu reconnaître, à la conférence de Londres, qu'il y avait intérêt à revoir le traité de Sèvres. C'est le résultat le plus clair, jusqu'à présent, des élections grecques. Du reste les décisions de la Conférence de Londres contiennent implicitement un aveu non dissimulé de la légèreté avec laquelle toute cette œuvre diplomatique si importante a été menée. Comment ! c'est six mois après la signature du traité qui est supposé avoir réglé les ques- tions orientales qu'on s'avise de faire une enquête sur la situation ethnique des pays qu'on a attribués à la Grèce? Il semble que c'est vraiment s'y