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— 226 — russe ; le représentant impérial, Cassini, est accablé sous les murmures ; on gémit de sa faiblesse, on l'accuse d'avoir failli, en n'imposant pas le respect de ses nationaux dans cette circonstance. Seconde lettre confirma- tive de la précédente un mois après ; elle annonce que l'apaisement n'est pas probable et que l'expatrié est toujours sous clé. Touché de pitié, le comte de Lille tente une démarche personnelle auprès d'Alexandre I er ; il lui rappelle de la manière la plus pressante l'intérêt qu'il a voué au chevalier, infortuné serviteur d'une cause en péril ; il le supplie de peser avec son autorité souveraine dans le conflit, et de prévenir le triomphe de la plus tyrannique des injustices, il ne s'en tient pas là ; il exprime à Maury son désir que Vernègues n'ignore rien de cette démarche, ni de son estime particulière ; il lui recommande de le visiter dans sa cellule et le charge surtout de s'informer avec la plus minutieuse exactitude de la marche de la procédure, et, si l'on constitue une commission judiciaire, de veiller sur le choix de ses membres, d'en éliminer les suspects, d'en suivre les débats et de ne rien taire de ses appréhensions ou de ses espé- rances. Ainsi se dressaient aux côtés de Fesch une surveillance et une inquisition capables de rendre sa tâche plus laborieuse et d'en retarder infiniment l'issue. Mais cette obstruction plus « dépitante » qu'invincible n'était pas de nature à contrecarrer sa marche et à briser son zèle ; ni décontenancé, ni abattu, invulnérable aux piqûres des langues satiriques, sous son aplomb normal, il ne se détourne pas de son but et, ayant reçu les papiers saisis chez l'émigré, il procède à leur classement et à leur analyse, il en adresse la copie à Talleyrand et au premier consul. Le dépouillement causa un léger désappointement ; la cassette avait été nettoyée de ses indiscrétions trop compromettantes ; il n'en sortit aucun témoignage, aucune induction sérieuse, aidant à étayer l'accusation de complot et d'assassinat, base formelle de la demande d'extradition ; soit que l'intéressé et ses familiers aient procédé à cette opération urgente, soit qu'un peu de chantage ait grossi le réquisitoire, le paquet ne livra rien que d'anodin et d'insignifiant ; l'enquête retint seulement deux séries de lettres moins banales que le reste : les premières avaient été écrites par Mgr de la Farre, évêque non démissionnaire de Nancy, très ardent propagandiste de menées royalistes ;