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 russe ; le représentant impérial, Cassini, est accablé sous les murmures ;
 on gémit de sa faiblesse, on l'accuse d'avoir failli, en n'imposant pas le
 respect de ses nationaux dans cette circonstance. Seconde lettre confirma-
 tive de la précédente un mois après ; elle annonce que l'apaisement n'est
 pas probable et que l'expatrié est toujours sous clé. Touché de pitié, le
 comte de Lille tente une démarche personnelle auprès d'Alexandre I er ;
il lui rappelle de la manière la plus pressante l'intérêt qu'il a voué au
chevalier, infortuné serviteur d'une cause en péril ; il le supplie de peser
avec son autorité souveraine dans le conflit, et de prévenir le triomphe
 de la plus tyrannique des injustices, il ne s'en tient pas là; il exprime à
 Maury son désir que Vernègues n'ignore rien de cette démarche, ni de
son estime particulière ; il lui recommande de le visiter dans sa cellule et
le charge surtout de s'informer avec la plus minutieuse exactitude de
la marche de la procédure, et, si l'on constitue une commission judiciaire,
de veiller sur le choix de ses membres, d'en éliminer les suspects, d'en
suivre les débats et de ne rien taire de ses appréhensions ou de ses espé-
rances. Ainsi se dressaient aux côtés de Fesch une surveillance et une
inquisition capables de rendre sa tâche plus laborieuse et d'en retarder
infiniment l'issue.
      Mais cette obstruction plus « dépitante » qu'invincible n'était pas de
nature à contrecarrer sa marche et à briser son zèle ; ni décontenancé, ni
abattu, invulnérable aux piqûres des langues satiriques, sous son aplomb
normal, il ne se détourne pas de son but et, ayant reçu les papiers saisis
chez l'émigré, il procède à leur classement et à leur analyse, il en adresse
la copie à Talleyrand et au premier consul. Le dépouillement causa un
léger désappointement ; la cassette avait été nettoyée de ses indiscrétions
trop compromettantes ; il n'en sortit aucun témoignage, aucune induction
sérieuse, aidant à étayer l'accusation de complot et d'assassinat, base
formelle de la demande d'extradition ; soit que l'intéressé et ses familiers
aient procédé à cette opération urgente, soit qu'un peu de chantage ait
grossi le réquisitoire, le paquet ne livra rien que d'anodin et d'insignifiant ;
l'enquête retint seulement deux séries de lettres moins banales que le
reste : les premières avaient été écrites par Mgr de la Farre, évêque non
démissionnaire de Nancy, très ardent propagandiste de menées royalistes ;