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— 319 — plus stricte et la plus brève légalité. Vernègues, dirigé sur Milan, où le général en chef de l'armée d'Italie, Jourdan, veilla à changer l'escorte, atteignit Turin le 24 floréal (14 mai) et le général Menou ordonna qu'il fût incarcéré dans la citadelle. Il dut y rencontrer un prêtre lyonnais, nommé plus haut, Jacques Linsolas, qui prêta une oreille curieuse aux épisodes de sa tragique aventure. Ce prêtre connaissait beaucoup le car- dinal, son archevêque, car, pendant cinq ans vicaire-général, il avait administré ce diocèse avec une sévérité et des principes qui avaient sou- verainement déplu au successeur concordataire de Mgr de Marbeuf et de M. l'abbé Verdolin, et l'avaient dissuadé de s'associer à une pétition en faveur de son amnistie. Mais ce gîte n'était que provisoire ; dès la seconde ou troisième semaine de juin, voici le gentilhomme pensionnaire gratuit et forcé d'un cachot du Temple, où nous le rejoindrons tout à l'heure. Cependant, à Rome, les appréhensions et les angoisses persévéraient ; personne ne portait la naïveté jusqu'à se persuader que, dans une querelle si âprement menée, avec quelle impétuosité d'un côté, de l'autre avec quelle patience, l'apaisement se produirait de lui-même, par lassitude ou par pitié, et que l'incendie s'éteindrait faute de combustibles. L'autocrate maître du comte Cassini ne l'entendait pas de la sorte ; il décréta de suite la rupture des relations diplomatiques ; le ministre, contraint d'obéir, le cœur ulcéré, sollicita ses passeports et quitta ostensi- blement sa demeure ; le nonce reçut son congé de son côté, sans prévoir quand il serait possible de renouer l'accord. Pie VII, dont la sensibilité paternelle saignait toujours, ressentit plus que jamais dans quel désarroi, dans quelles persécutions peut-être, cette disgrâce scandaleuse entraîne- rait les sujets catholiques de l'empereur, les Polonais, les Ukraniens, si fidèles à leur foi, les jésuites et leurs collègues qui avaient survécu au licenciement de Clément XIV ; son secrétaire d'état déplorait l'impuissance de ses résistances et n'osait pas en rejeter la responsabilité que sur sa fatale destinée ; l'échec de la politique vaticane prenait les proportions d'un désastre. Est-ce que notre ambassadeur en eut le remords, au moins la sensation? Eprouva-t-il une pointe d'amertume d'avoir parlé trop haut et d'avoir intimidé la conscience du vicaire du Christ, au lieu d'en respecter et d'en fortifier les délicatesses?