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étaient Lyonnais et que les autres avaient été recrutés principalement dans la Drôme,
à Valence et à Montélimar. En tout cas, c'est à un Lyonnais, Charles Dubouchet,
qu'est dû le récit de cette première expédition I. Troisième fils d'un marchand toilier
de la rue Longue, il exerçait la profession de courtier, à Lyon, et comptait faire au
Guazacoalco la plantation des mûriers, l'éducation des vers et la filature des soies. Il
partit muni simplement d'une petite pacotille qu'il comptait écouler à bon prix dans
la colonie, et il laissait sa femme continuer son commerce pour nourrir ses enfants.
Avec lui s'embarquait un autre Lyonnais, nommé Brémond, dont le père était aussi
toilier en gros à Lyon et qui avait été successivement fabricant de soieries et proprié-
taire du café Turc à Paris, il laissait son café à son beau-frère Besson et emmenait avec
lui une compagnie d'ouvriers d'élite.
      Après une traversée assez; bonne, l'Amérique s'échoue, en arrivant, sur la barre du
Guazacoalco. Les passagers débarquent, non sans peine, et Brémond ainsi qu'un
autre passager, M. Baussan, sont chargés d'aller demander du secours à Giordan, qui
habite Minotitlan, à quelque dix lieues en remontant le fleuve. Ils le ramènent avec
eux après quatre jours, pendant lesquels les malheureux passagers s'étaient effprcés de
débarquer ce qu'ils pouvaient du bâtiment en perdition et d'installer un pitoyable
bivouac. On décide alors d'avoir recours aux pirogues des habitants de Minotitlan pour
enlever le matériel ; nouveau retard de douze jours, pendant lesquels la caravane souf-
fre d'une chaleur accablante et des piqûres incessantes d'insectes venimeux. Brémond
et Baussan reparaissent enfin, ils ont trouvé, à Minotitlan, six pirogues qu'ils s'em-
pressent de charger d'une partie de leurs hommes et de leurs effets. Notre pauvre
Dubouchet, qui voit que sa situation peut s'éterniser ainsi, offre à Baussan ses bons
services, moyennant une place pour lui et ses bagages à bord de son embarcation.
Cette offre fut acceptée, à la condition que Dubouchet ferait deux autres voyages avec
lui au lieu du naufrage. Ses compagnons et lui mirent 21 heures pour arriver à Mino-
titlan qu'ils atteignirent à deux heures de la nuit, sans pouvoir avancer jusqu'au village
gardé par cinquante chiens, chargés d'ordinaire de préserver les poules et les dindons
constamment attaqués par les tigres. Au point du jour, Dubouchet se dirige vers la
case de Giordan, pauvre construction en bois blanc couverte de feuilles de palmier, où
il trouve à se réconforter frugalement. Après deux heures de repos, il repart avec sa
pirogue, mais, surpris par une tempête, il ne doit la vie qu'au secours que lui porte un
petit bâtiment qui descendait aussi la rivière, enfin il retrouve ses infortunés compa-
gnons et repart aussitôt avec un nouveau chargement, mais il chavire et échappe à
grand'peine aux caïmans ; son troisième voyage est troublé aussi par de semblables
péripéties. Dubouchet commençait à sérieusement déchanter, il va cependant trouver
Giordan pour s'entendre au sujet de son exploitation de vers à soie. « M. Giordan,
raconte-t-il, après m'avoir écouté d'un air fort distrait, me répondit qu'il n'avait nul
besoin de mon industrie, et que M. Laisné avait commis une faute en m'envoyant au

     1. Le Guazacoalco, colonie de MM. Laisné de Villevêque et Giordan ou les horreurs dévoilés de cette colo-
nie, par Charles Dubouchet, échappé au désastre de la première expédition; Paris, chez l'auteur, rue Mont-
martre, n° 53, et chez tous les marchands de nouveautés, 1830.