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      Comment aurait-on pu aux xne et xm e siècles, en Occident, fabriquer
du papier avec une matière de provenance lointaine, aussi rare, aussi
volumineuse et, par conséquent, aussi incommode à transporter, aussi
coûteuse, donnant des produits fort médiocres, alors qu'on trouvait sur
place des chiffons de lin et de chanvre, que ces substances à vil prix
donnent du papier d'une telle qualité que rien encore de nos jours n'a
pu les remplacer ?
      Aurait-il aussi été bien facile de fabriquer des feuilles de papier de
coton pur avec les procédés de cette époque ? Ce papier se serait-il
conservé jusqu'à maintenant ? Ce sont des points qui paraissent fort
discutables.
      Toutefois, personne n'avait émis de protestation contre cette vieille
croyance, jusqu'en 1884. A cette date, M. Briquet de Genève fit le pre-
mier connaître la vérité. Nous sommes heureux d'adresser ici un sincère
hommage à ce savant dont les remarquables travaux ont rendu les plus
signalés services à l'histoire du papier et le placent au premier rang de
ceux qui l'ont entreprise. Il publiait le 29 octobre 1884, dans le Journal
de Genève, une note « la Légende du papier de coton » qui était repro-
duite ensuite dans le Bulletin du bibliophile, d'octobre-novembre 1884.
      Il donnait les résultats de 14 analyses de papiers anciens et mettait
en doute l'existence du papier fait avec du coton, ce terme ne désignant
selon lui que son apparence extérieure.
      Combattu par M. le professeur Paoli l8 , il faisait une étude plus
complète et publiait en 1886 dans les Mémoires de la Société nationale
des Antiquaires de France (t. XLVI) un ouvrage intitulé Recherches sur
les premiers papiers employés en Occident et en Orient du xe au XIVe siècle.
      Nous allons analyser rapidement cet ouvrage qui le premier a solu-
tionné la question. M. Briquet rappelle tout au long la théorie admise
 du papier de coton et du papier de chiffe, les recherches des anciens
 paléographes, les difficultés qu'ils rencontraient pour différencier les
 deux sortes de papier ; il émet ensuite des doutes sur cette croyance, il
 fait voir que les mots de papyrus bambycyna, papyrus bambagina, charta
 cuttunea, s'expliquent par le sens de papier de tissu, comme nous le
 démontrerons plus loin, les premiers en utilisant la langue vulgaire,