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       Anne, toutefois, effrayée de la guerre civile, se reprenait à douter, de la
culpabilité de Cantacuzène ; elle songeait même à le reconnaître et à marier
la jeune Hélène Cantacuzène à son fils Jean Paléologue. Apocaucos, con-
naissant la faiblesse de caractère de l'impératrice, organisa une surveillance
étroite autour d'elle. Pendant le jour, les meneurs du parti se relayaient à
ses côtés, et, la nuit, il avait placé non loin d'elle une femme qui, pour une
pièce d'or, lui rapportait tous ses propos. C'est ainsi qu'il connut les scru-
pules, un peu tardifs, de la souveraine. Sans hésiter, car il se voyait non
loin du but — pour empêcher Anne de mener son projet à bonne fin,
il décida, soit de l'effrayer, soit de l'induire en erreur. Par le patriarche,
il la fit menacer d'excommunication, si elle était parjure à son serment, puis
il résolut de faire couronner le jeune Jean. Le 9 novembre 1341, Jean était
couronné sous le nom de Jean V Paléologue. Apocaucos se nomma lui-
même, à cette occasion, grand duc, et distribua à ses fidèles complices de
hautes dignités : Gavalas, en particulier, fut nommé Protosévaste 1 et le
patriarche reçut l'autorisation d'orner de soie et d'or sa tiare patriarcale et
de signer, comme l'empereur, ses décrets et ses lettres à l'encre rouge.
      Apocaucos, grand duc, préfet de Byzance, maître des finances, était
alors tout puissant. Mais il avait à lutter, à l'intérieur, contre les cantacuzé-
nistes, qui tentaient une révolution, et surtout à l'extérieur, contre Canta-
cuzène. Son habileté, unie à sa claire vision des événements et à sa prompti-
tude de décision, lui permit, en moins d'un an, de devenir, peu s'en fallut,
le maître de l'empire.
      Contre les cantacuzénistes, il sévit sans ménagement. Il fit jeter en
prison la mère de Cantacuzène et disparaître mystérieusement les plus
gênants de ses adversaires. Exerçant sur Anne une influence quelque peu
inexplicable, au point qu'on pourrait le croire avoir été du dernier bien avec
elle, il la gouvernait « comme une esclave » 3 , et faisait d'elle ce qu'il voulait.
A l'intérieur, il vint à bout, facilement, de ses ennemis ; mais l'adversaire le

   1. Titre purement honorifique, supérieur même à celui de grand duc et de grand domestique.
   2. Cz. III, 36, et N. Greg. XII, i o.