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— 209 — Lyonnais! A Lyon, on est plus sérieux, plus positif que cela. On a moins de vanité et plus d'esprit pratique. Certes, un lion est une belle bête, mais outre que ce voisinage peut présenter quelque danger, témoin les appréhensions du gouverneur, cela coûte à entretenir, car un lion, un vrai, comme ceux que croyait avoir terrassés Tartarin, ça mange. Ces armes-là ne sont point seulement des armes parlantes, ce sont des armes dévorantes, et les finances de la ville se trouvaient alors fort obérées ; leur état déplo- rable ne permettait pas au Consulat de se procurer un tel luxe. Aussi, avant d'en parler à ses collègues, le sieur Scarron a fait établir la « despence ». Or, l'entretien de ce pensionnaire ne coûterait pas moins de deux cents écus par an, « en y comprenant les gages, nourriture et entretennement de son gouverneur », car, à ce rejeton du roi des animaux, il faut aussi un gouverneur. On refusera donc. Sur ce point, aucun doute n'est possible et les huit conseillers présents votent sans hésitation et à l'unanimité le rejet. Mais comment s'y prendre pour faire agréer ce refus, sans indisposer le tout puissant gouverneur ? D'abord, et c'est l'exorde, on « remerciera très humblement ledit seigneur du soin et bon zèle qu'il a pour la grandeur et entretennement de la réputation de la dite ville », mais, « par mesme moyen, on lui remontrera et le priera de considérer la pauvreté d'icelle et les grandes dettes qu'elle a sur les bras, qui la doivent excuser de faire ce qu'elle voudrait et désire- rait bien pour l'amour et souvenance perpétuelle de luy, à savoir : recevoir de ses mains et entretenir cet animal. Mais qu'estant comme dit est, endettée et n'ayant aulcuns deniers communs, il serait toujours trouvé mal à propos qu'elle se mît en cette nouvelle despence de la nourriture d'un lyon ». L'économie, c'est la première raison, bien lyonnaise celle-là , alléguée par nos échevins. Mais ils en ont d'autres. En voici une deuxième, d'un ordre plus relevé : l'exemple du roi. « Le roi, bien sûr, ne le trouverait pas bon, attendu que lui-même, pour épargner telle despence superflue et inutile, a fait tuer tous tels et semblables animaux que ses prédécesseurs rois, par curiosité, avaient entretenus ». On ne saurait assurément faire mieux que son roi ! Rev. Lyon. 13