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bruyamment compromis avec Imbert Colomès, un des échevins réaction-
naires. Il intriguait alors à Naples et essayait de se pousser dans les bureaux
de la police locale ; très régulièrement, il faisait tenir à la reine Marie-
Caroline des bulletins sur tout ce qui se passait en France. Il était depuis
longtemps brûlé et on était averti que, agent soldé des Bourbons, il s'inté-
ressait à leurs opérations et favorisait leurs démarches de toute son activité
et de toute son intelligence. Vernègues, bien entendu, s'efforce de le
disculper, en s'innocentant lui-même ; leurs relations, dit-il, ont été des
plus sommaires.
Après l'avoir rencontré à Gênes, neuf ou dix ans plus tôt, et retrouvé
à Naples au printemps de 1803, il ne s'était entretenu avec lui que d'affaires
d'argent, de liquidations de pension, sans jamais aborder le sujet du
rétablissement sur le trône du successeur de l'infortuné Louis XVI. Des
réticences, si évidentes pour le conseiller d'Etat qui l'écoutait, finirent par
lui attirer ces dures remarques : « Vous ne dites pas tout sur le compte
de ce Rey », et un peu après : « vous nous trompez, Monsieur, ou votre
mémoire vous sert bien mal ». Mais cette colère n'est-elle pas ici la justi-
fication de la prudence de l'inculpé?
A propos de son commerce épistolaire avec Mgr de la Fare, sans
toutefois se départir de son sang-froid coutumier, il éprouva plus d'em-
barras à se couvrir d'une neutralité réelle et à invoquer un désintéresse-
ment irréprochable, en traitant avec lui des espérances et des tentatives
du parti légitimiste. Les lettres confisquées de sa Grandeur étaient au
nombre de huit ou dix, s'étendant sur une période de moins de quatre
mois, et continuées par une série de plusieurs autres d'un secrétaire de
confiance. La curiosité d'être renseigné sur les sentiments de la cour
napolitaine, sur les intentions et les gestes de l'omnipotent ministre Acton,
y perçait à chaque ligne ; des efforts pour ménager un favorable accueil
auprès du public et du clergé romains à la protestation de la minorité
de l'épiscopat d'ancien régime, réfractaire à Pie VII, s'y étalent ostensi-
blement. Mais devant le magistrat qui lui pose des questions précises,
Vernègues a tout oublié, les titres des ouvrages expédiés de Londres,
l'adresse de l'imprimeur italien, celle de l'éditeur ; il ne se souvient même
pas si le mémoire des prélats réfugiés en Angleterre a été distribué ;