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      « Quel est le résultat final de ce drame à un seul acteur, au lieu du
grand drame national et européen que la révolution, réglée et laissée à
son propre mouvement, pouvait dérouler pendant ces trente dernières
années ? Vous le voyez, un nom de plus dans l'histoire ; mais les limites
de la France, resserrées par l'inquiétude de tout l'Occident désaffectionné ;
mais l'Angleterre réalisant, sans rivale, la monarchie universelle des mers ;
et en France même la raison, la liberté et les masses retardées indéfiniment
par cet épisode de gloire et ayant peut-être à marcher plus d'un siècle
pour regagner le terrain perdu en un seul jour ».
      Louis-Napoléon protesta dans une longue lettre adressée à Chapuys-
Montlaville et que la Patrie du 23 août inséra. Il s'affligeait que Lamartine
eût si mal rendu justice à celui que lui-même ne craignait pas d'appeler
le « premier organisateur de la démocratie française », le « promoteur le
plus fervent de la civilisation ».
      Ce jugement est curieux à relever sous la plume du « petit neveu »
qui commence sa marche sinueuse dans le rayonnement projeté par le
« grand oncle ». Celui qui, vingt-cinq ans plus tard, jouera la comédie de
l'Empire libéral, s'exerce à maintenir la confusion que les couplets
alertes de Béranger et les vers éloquents de Victor Hugo ont jetée dans les
esprits ; n'est-ce pas, depuis 1830, un dogme accepté par les partis les
plus avancés, que Napoléon fut l'héritier de la Révolution, qu'il sortit
du peuple et travailla pour le peuple, et que sa défaite ouvrit l'ère de la
restauration monarchique et de la terreur blanche ? « Il fut le roi du peuple,
écrivait le prisonnier de Ham, tandis que les autres furent les rois des
nobles et des privilégiés... Consul, il établit en France les principaux
bienfaits de la Révolution ; empereur, il répandit dans toute l'Europe ces
mêmes bienfaits. Sa mission, d'abord purement française, fut ensuite
humanitaire ».
      Lamartine, provoqué indirectement, ne répliqua pas. Mais Chapuys-
Montlaville, ayant accusé réception de cette lettre, s'en vit adresser une
autre, le 15 septembre, par Louis-Napoléon. En voici les dernières lignes :
     « Il me reste encore à vous exprimer l'espoir que ma lettre n'ait pas
blessé M. de Lamartine, car je rends pleine justice à ses hautes facultés,
et c'est même parce que je lui rends justice que je déplore amèrement