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administratives les restes des doctrines gallicanes, étayant un absolutisme
tendancieux en pleine résurrection. Mais l'équité privée avait aussi ses
droits et la paternité du bon pasteur tenait à ce que, dans le bercail, le
bêlement de la plus chétive des brebis ne fut pas étouffé ; la mansuétude
l'emporta, cette fois, comme plus tard, sur la violence despotique. Comme
nous l'avons mentionné plus haut, l'espoir du représentant du Christ ne
fut pas déçu ; douze jours après le couronnement, le 14 décembre, une
note du cabinet impérial prescrivait au ministre de la police l'élar-
gissement du détenu. « Mon intention, disait Napoléon, est que vous
fassiez mettre M. de Vernègues en liberté, vous lui ferez connaître que
c'est à la demande que m'en a faite le Pape qu'il le doit », et le surlende-
main, la nouvelle de sa grâce touchait Vernègues dans son gîte cellulaire ;
ses yeux s'ouvraient à la lumière ; son affreux et long cauchemar s'éva-
nouissait. On lui imposait seulement l'engagement de se retirer en Alle-
magne, à cinquante lieues du Rhin ; il y souscrivit de grand cœur. J7 bis
      C'est le 21 décembre qu'il s'éloigna de la capitale et prit la route
de Francfort-sur-le-Mein ; il y avait dans cette vieille cité germanique,
centre commercial et financier de l'Europe occidentale, un banquier du
nom de Maurice Betmann, consul de Russie ; il se rendait auprès de lui,
afin de toucher à sa caisse l'arriéré des honoraires que lui servait la cour
moscovite et qui ne lui avaient pas été versés depuis assez longtemps.
Dans son projet d'itinéraire, il n'y séjournerait pas plus de cinq ou six
jours et, de là, il se rendrait à Vienne, auprès de l'évêque de Nancy,
pour y passer l'hiver et rétablir sa santé fort ébranlée. Ses sympathies,
avouait-il, ne le portaient pas à servir ni l'Autriche, ni l'Angleterre ; il
demeurait fidèle à la nation, dont il était devenu le citoyen adoptif et à
la dynastie royale des Bourbons, dont il avait, en plus d'une occasion,
sauvegardé les capitaux ; une fiche policière rappelait encore à cette date
que, par son habileté et un peu d'intimidation, il avait récupéré sur Willot
une somme de 140.000 francs qui provenait des fonds mis à la disposition
de ce général par le ministère britannique et qu'il avait envoyée à Louis
XVIII. Le prétendant, réfugié dans sa médiocre et lointaine résidence
de Mitau, conserve la meilleure part de son dévouement ; dès que ses
forces le permettront, dans le courant du printemps 1805, il entreprend