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ce besoin de compter sur la miséricorde divine qui est si impérieux
 dans notre âme (15) ».
     Cette dernière strophe, Lamartine l'a modifiée; par un scrupule
inexplicable, il y vit « un sacrifice immoral à ce qu'on appelle la gloire » :
« Le génie, disait-il, par lui-même n'est rien moins qu'une vertu ; ce
n'est qu'un don, une faculté, un instrument : il n'expie rien, il aggrave
tout. Le génie mal employé est un crime plus illustre, voilà la vérité en
prose ». Il corrigea ainsi les deux derniers vers :
          Et vous, peuples, sachez le vain prix du génie
                  Qui ne fonde pas des vertus!..
     Lamartine, qui aimait mieux « créer » que « corriger », fut, ce jour-là,
mal inspiré : « pour avoir voulu débarrasser sa conscience d'un remords »,
il remplaçait par une platitude une idée profonde, digne de s'inscrire à
côté de la forte réflexion de Guez de Balzac : « Dieu est le poète et les
hommes ne sont que les acteurs. Ces pièces qui se jouent sur la terre ont
été composées dans le ciel ».

                                     II

      En 1840, Thiers, président du Conseil des Ministres, obtint de
l'Angleterre l'autorisation de ramener en France les cendres de Napoléon.
Lord Palmerston, qui dirigeait la politique anglaise, n'avait pas été fâché
d'accéder à cette requête ; il se préparait à humilier la France en Orient
et il offrait à l'avance une diversion dont le sentiment national pourrait
se contenter. Il écrivait le 9 mai : « Le gouvernement de Sa Majesté
espère que la promptitude de cette réponse sera considérée en France
comme une preuve de son désir d'effacer toute trace de ces animosités
nationales qui, pendant la vie de l'Empereur, animèrent l'une contre l'autre
la nation française et la nation anglaise. Le gouvernement de Sa Majesté
a la confiance que si de pareils sentiments existent encore quelque part,
ils seront ensevelis dans le tombeau où vont être déposés les restes de
Napoléon ». De la même plume il signait, le 15 juillet, le traité de Londres
qui réglait les affaires d'Orient sans nous et contre nous.