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— 215 — sans haine, ses traces ne sont sensibles nulle part ; en dehors des six mois que dura le conflit entre les cours de Paris, Rome et Saint-Péters^ bourg, occasionné par son emprisonnement, l'histoire se tait ; au moins n'est-il pas invraisemblable qu'il infligea plus d'une nuit blanche aux deux Eminences, attachées à le rencontrer, l'une pour lui passer les menottes, l'autre pour le sauver. D'une déclaration « volontaire et secrète », rédigée pendant qu'il était enfermé au Temple, et de l'interrogatoire qu'il subit, le 14 août 1804, devant le conseiller d'Etat, chef de division de la haute police, P. M. Desmarets, nous apprenons sur sa carrière et plus spécialement sur ses occupations, de la Révolution au Consulat, quelques détails qu'il est bon de retenir. Joseph Hilarion Gauthier du Poet de Vernègues, originaire d'Aix-en- Provence, baptisé dans l'église paroissiale de Sainte-Madeleine, le 8 août 1757, descendait d'une famille récemment enrichie et anoblie depuis un demi-siècle. Son aïeul, Henri Gauthier, qui mourut deux mois après la naissance de ce petit-fils, était l'auteur de sa fortune et des privilèges aristocratiques dont elle jouissait ; il avait débuté comme premier clerc dans l'étude du notaire Claude Guyon ; ensuite, devenu caissier provisoire de la Trésorerie générale des Etats, il fut bientôt le fermier en titre et le demeura jusqu'en 1750. Les bénéfices de cette gérance ne furent pas moins rapides que considérables ; grâce à eux, il construisit un hôtel magnifique, sur l'emplacement de l'ancien moulin Margalet, à l'angle du cours et de la rue Tournefort ; il acquit successivement les fiefs du Poet, de Vernègues, de Valavoire, etc. ; il reçut des lettres de noblesse de Louis XV, en 1724, et acheta pour son fils unique une charge de conseiller au Parlement et celui-ci la transmit à l'aîné de ses quatre enfants ; au moment de la Révolution, M. du Poet l'occupait encore, et de ses trois frères, l'un, M. d'Avalon, était capitaine d'infanterie ; l'autre, M. de Badasset, officier de marine, le dernier, M. de Vernègues, celui qui nous intéresse, comman- dait une compagnie du Lorraine-Dragons, dont M. de Caraman, gouver- neur de la Provence, était colonel (4). Appelé à réprimer l'insurrection de Marseille, le régiment refusa de marcher, les soldats se rallièrent aux émeutiers ; la désorganisation fut complète; la plupart des officiers, qui n'avaient pas été obéis, résolurent de passer à l'étranger, et Vernègues