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               DEUX LETTRES DE GOUNOD
                                             Ces deux lettres ont été adressées par Gounod à An-
                                         toine Mollière, pour le remercier de l'envoi de sa Métaphy-
                                         sique de l'Art et son opuscule Du Visible et de l'Invisible. Elles
                                         contiennent, avec quelques souvenirs du célèbre musicien
                                         sur un passage à Lyon, des indications précieuses sur ses
                                         idées philosophiques et l'orientation de sa pensée.

                                            30 janvier 1882 (20, place Malesherbes).
     Monsieur, si je vous écrit avant d'avoir achevé la lecture du livre très intéressant
qui accompagnait votre lettre, c'est parce que je crains que vous vous étonniez de mon
retard à vous en remercier, d'abord, et, ensuite, que vous vous demandiez si je l'ai
même regardé. Mes occupations sont assez diverses et nombreuses pour ne me per-
mettre, en fait de lectures, que des trains-omnibus qui arrêtent à toutes les stations
de la vie.
     Cependant j'ai hâte de vous dire tout l'intérêt que je ressens à lire cet ouvrage
dans lequel je suis non seulement très joyeux mais très honoré de retrouvez, sous une
langue aussi élevée que scientifique, la législation et l'explication ontologiques de
vérités et de phénomènes sur lesquels je ne puis guère projeter les clartés d'une sincère
émotion et d'un invincible instinct : car, bien que l'étude philosophique soit le carac-
tère essentiel de toutes mes tendances, la dévorante spécialité ne m'a pas permis d'y
atteindre le degré que j'aurais souhaité.
     Votre lettre ne m'ayant pas fait connaître votre adresse, je vous fais parvenir
celle-cipar l'intermédiaire de votre éditeur, espérant que vous voudrez bien me donner
votre adresse exacte qui me permettra de vous informer directement de l'achèvement
de ma lecture.
      Je regrette bien que le petit séjour que j'ai fait à Lyon il y a trois ou quatre ans
pour y diriger Cinq-Mars ne m'ai pas procuré l'occasion de vous connaître : j'y ai vu,
pour la dernière fois, la sçule, hélas! ce grand et bon Saint-Bonnet pour qui j'ai une
si profonde estime et admiration.
      Recevez, Monsieur, l'assurance de mes meilleurs sentiments.

                                     Jeudi, 20 novembre 1884 (20, place Malesherbes).
          Mon cher Monsieur Mollière,
     Je viens de lire le fragment que vous avez bien voulu m'adresser sous le titre
le Visible et l'Invisible (suite et fin). Est-ce que vous seriez assez bon pour m'envoyer le
reste de cette étude dont le peu que j'en connais me semble d'une parfaite exactitude
philosophique, ce qui veut dire, à mes yeux, vrai dans tous les ordres (psychologique,
moral, métaphysique, esthétique, scientifique et théologique).
     Je vous envoie, avec tous mes remerciements, l'assurance de mes meilleurs sen-
timents.
                                                                         Ch. Gounod.
                H. M.-S.