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      Il emprisonna tous les citoyens riches, et, pour se ménager le peuple,
livra une grande partie de leurs maisons au pillage. Il en fit de même pour
les membres du Conseil et confisqua leurs fortunes. De cette manière, ils
n'intrigueraient pas avec Cantacuzène. Les prisons n'étaient plus assez
grandes. Il décida d'en faire construire une dans l'intérieur même du palais.
      Entre temps, il terrorisait l'impératrice. Il lui demanda de marier le
jeune empereur avec sa propre fille. De cette façon, il mettrait au service de
la défense de la dynastie son immense fortune, qui s'accroissait chaque
jour d'une partie des biens confisqués ; de cette façon, surtout, il serait le
maître de l'empire. Mais Anne refusa. Pour l'y contraindre, il écrivit, à en
croire Cantacuzène, plusieurs lettres au pape Clément VI, comme si elles
venaient d'Anne elle-même. Il faisait déclarer à cette princesse qu'elle était
restée, de cœur, catholique romaine, mais qu'elle n'avait pu, jusqu'ici, par
suite des événements, le lui manifester : si le pape l'aidait à triompher de ses
ennemis, elle se chargeait de ramener sous son autorité l'Eglise de Constan-
tinople. Et Clément VI, de son côté, lui écrivait sa joie et lui promettait des
secours. Et ces lettres, Apocaucos prétendait les avoir en main, et menaçait
l'impératrice de les révéler à l'Eglise grecque si elle ne cédait pas à son
ultimatum.
      Mais les circonstances ne le lui permirent pas. La haine grandissait
autour de lui. Il n'osait plus sortir sans être défendu par une puissante
escorte ; nul ne pouvait l'approcher, s'il ne l'avait appelé lui-même. Un
jour qu'il venait presser la construction de la prison du palais, il commit
l'imprudence d'entrer, à cheval, suivi d'un seul esclave. Un détenu, du nom
de Raoul, armé d'un gourdin, se précipita sur lui et lui porta un violent
coup à la nuque. « De son cheval, il tomba à terre, tel un second Satan,
précipité du haut des cieux » 1. Une courte lutte s'engagea entre Raoul et
l'esclave d'Apocaucos, qui hurlait et appelait à l'aide. Un prisonnier, de la
famille des Paléologues, entraîna alors ses compagnons de geôle, et, d'un
coup de hache, lui fendit la tête. Puis son cadavre sanglant fut suspendu aux
murs du palais et apprit à Byzance terrifiée la mort de son tyran. C'était le
i l juin 1345.

   1. Ducas, 5.