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                                             — 541 —
     Anne vengea dans le sang la mort de son favori ; elle fit cerner le grand
palais, et autorisa la veuve d'Apocaucos à lancer ses gens à l'assaut. Tous
les détenus furent impitoyablement massacrés. Mais Apocaucos mort, la
chute d'Anne était prochaine ; le 3 février 1347, Cantacuzène entrait dans
Byzance.
                                                   V

      Telle fut la dramatique destinée d'Alexios Apocaucos, dont Nicéphore
Grégoras pouvait dire avec raison : « S'il avait mis ses qualités au service de
la vertu et de la justice, il se fût acquis un nom illustre parmi les Romains B1.
Car Apocaucos eut, sans conteste, d'éminentes qualités. Très habile finan-
cier, né réellement pour les affaires et pour l'intrigue, il fut un remarquable
diplomate, et il eût pu devenir empereur si l'orgueil ne l'avait pas aveuglé
et empêché de comprendre qu'on mène moins les événements qu'on est
mené par eux.
      Ce fut aussi un homme d'une intelligence souple, curieuse 3 et vaste,
familier, comme tous les esprits cultivés de cette époque, avec la littérature
profane et sacrée, et, malgré ses rares loisirs, capable de s'intéresser à des
études très particulières, à la médecine, comme en témoigne la dédicace, en
tête d'un manuscrit des œuvres d'Hippocrate 3, et peut-être aussi celle du
traité de médecine de Jean Actuarios 4. Ce fut, enfin, semble-t-il, dans
l'intimité, un homme qui charmait par son obligeance et sa gaieté de carac-
tère 5. Apocaucos, en un mot, fut grand, plus grand, assurément, par ses
défauts que par ses qualités. En tout cas, il vaut la peine d'être étudié et il
est l'une de ces nombreuses figures, si peu connues et si curieuses pourtant
de cette Byzance du xive siècle, qui, au seuil de la mort, se para une der-
nière fois de l'éclat des plus purs talents et des plus brillantes intelligences.



   1. N.Gr.XII.2.
   2. N. Greg., Lettre inédite.
   3. Man. grec de la Bibliot. nat. de Paris, n° 3.144, f° 10, v° II, r°.
   4. Il servit de Codex pharmaceuticus à la Faculté de médecine de Paris pendant tout le moyen âge.
   5. N. Greg., Let. inéd., id.