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comme son protégé, l'irritait en le traitant de poltron, et se méprenait sur sa
force réelle, en déclarant, non sans orgueil : « Que peut un œuf contre une
pierre ? Il n'y a point d'orgueil à un lion à se croire plus fort qu'un cerf » 1 .
Les résultats de son attitude ne se firent pas attendre. L'impératrice Anne,
d'intelligence médiocre, jalouse d'Irène Asan, femme de Cantacuzène et
« personne tout à fait remarquable », Anne, éprise du pouvoir, était la plus
accessible à la calomnie. Apocaucos, avec une sûreté de coup d'œil machia-
vélique, sut voir, dès les premiers jours, toute l'influence qu'il pouvait
exercer sur elle et le parti qu'il pouvait en tirer. Habilement, il se concilia le
patriarche, Jean d'Apri, et la plupart des grands de la cour, en leur confiant,
sous le sceau du secret, l'intention de Cantacuzène de les tous faire périr et
de se proclamer empereur. Anne, « épouvantée, interrompit la neuvaine
commencée par elle dans le monastère où était enterré son mari » 2, et, au
bout de trois jours, revenait précipitamment au palais. Avec le patriarche,
Apocaucos commença alors à faire le siège de l'impératrice. A son instiga-
tion, Jean d'Apri montra à Anne une lettre d'Andronic lui enjoignant de
partager la régence avec le patriarche. De son côté, Apocaucos, en des
entretiens particuliers, tout en la flattant, lui insinua que Cantacuzène
n'attendait que l'occasion favorable de la détrôner, elle et son fils. Anne,
cependant, mit en doute l'authenticité de la lettre et la sincérité des avertis-
sements d'Apocaucos, mais elle se prit à douter de l'intégrité de Cantacu-
zène. Apocaucos, pour l'heure, n'en demandait pas davantage. Cantacuzène
de toute son âme, protesta de son loyalisme et voulut même, lors d'une
séance du conseil impérial, où il avait été mis en minorité, donner sa démis-
sion. Mais Anne, vraisemblablement conseillée par Apocaucos et le patriar-
che, refusa, par crainte d'une révolution civile et surtout d'un soulèvement
militaire. Elle eut, du reste, peu à attendre pour réaliser ses desseins et ceux
d'Apocaucos.
    Vers le 10 juillet 1341, Cantacuzène, en effet, était contraint de partir
en Thrace pour lutter contre les Albanais, les Turcs et les Bulgares. Apo-
caucos jugea le moment venu pour s'emparer du pouvoir. Sa précipitation

   1. Cz. 1,25 et 33.
   2. Ch. Diehl, id., p. 256.