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l'éperon qui descend vers la Saône ; au bas et en avant de ce belvédère, desservi
 par un escalier extérieur, des tables étaient dressées sous des acacias nains et les
visiteurs pouvaient s'y faire apporter des rafraîchissements.
      Mais le gargotier « écorchait » quelque peu les dîneurs ; l'ascension de la colline,
avant l'ouverture du passage et avant les « ficelles », était pénible par la chaleur et
dangereuse l'hiver. Aussi le secrétaire convoquait-il parfois ses collègues chez la
mère Brigousse (Brugousse ou Brugous), qui tenait aux Charpennes une autre
« guinguette », plus vaste et plus accessible, fréquentée, dit A. Bleton, par des convives
plus graves, notamment par le président Sauzet et par le spirituel député Fulchiron.
      On se réunissait aussi, depuis 1844, dans la ville même, soit chez Auray,
traiteur rue de Sèze, soit au restaurant de Charles Reculet, rue Puits-Gaillot, 23
puis place de la Comédie, soit chez Verger, quai Saint-Vincent, 60, au premier.
Ou encore, plus tard, à l'hôtel de l'Ecu de France, place de la Platière. C'est là que
Pierre Dupont fut convié le 27 mars 1855.
      Vers la même époque (1850-1858), quelques dîners eurent lieu à la Croix-
Rousse, « aux Délices de Beauregard », anciens « Jardins du Mont-Olympe ». Autour
de la tour Pitrat, là où est aujourd'hui la clinique des sœurs de Saint-François
d'Assise, un sieur Fournier, dit Fournier de Virginie, qui avait rapporté d'Amérique
sa fortune et sa particule, avait installé, dans les jardins du précédent propriétaire
— Antoine-Mathieu Pitrat — un café, un restaurant avec salon de cent couverts,
une glacière, un jardin d'hiver, des salles de bal et de jeu et même des « chambres
particulières ». On entendait là de la musique et des montagnes russes serpentaient
entre les bosquets. Les visiteurs pouvaient encore grimper jusqu'au sommet de
la fameuse tour Pitrat, d'où, par un temps très clair, on devait voir la mer ; le nouveau
propriétaire l'affirmait du moins dans ses réclames. Moyennant un supplément de
un franc, les curieux intrépides se faisaient hisser, par un ascenseur primitif, le
long d'un mât, plus haut de quelques mètres que la plateforme de la tour.
     Parfois encore les Intelllligents prenaient rendez-vous chez l'un d'eux, sans
renoncer pour cela à l'application rigoureuse de leurs statuts. En mars 1845, Félicien
David fut reçu chez Léon Cailhava qui possédait à Sainte-Foy, chemin de Fonta-
nières, l'ancienne propriété du sculpteur Jean Thierry, appelée «la Maison grise»1".
Il y avait là de beaux ombrages et la vue était merveilleuse, de la terrasse, sur le
confluent qu'elle dominait et sur la plaine jusqu'aux Alpes. On dîna aussi chez
Alexis Rousset en son château de l'Arche, dit des Ruines, cité Lafayette ou Napoléon.
     Mais les Intelllligents n'abandonnèrent jamais définitivement le pavillon
Nicolas. La vue qu'on y avait sur la ville et la tranquillité dont on y jouissait les
ramenaient toujours à la « guinguette » où leur société était née.
     La date et le jour de la réunion variaient suivant les convenances des personna-
ges invités au banquet mensuel. Conformément à l'usage lyonnais de ce temps, on
se mettait à table entre 4 et 5 heures.