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— 315 — du légat ne seraient pas entre ses mains ; que la distribution de ces pièces soit immédiate ou lointaine, on ne lui arrachera pas un oui, avant qu'il ne les ait lues dans leur teneur et vérifiées dans leur véracité. Prévenu le samedi soir, dès la matinée du dimanche, sous l'émoi de l'irritation et de la déconvenue, Fesch avise la chancellerie qu'après cette notification de la veille il considère les pourparlers comme brisés sans retour ; il a perdu la bataille, il se retire sous sa tente ; on tolérera toutefois ses ultimes doléances et il désire qu'on se souvienne qu'il a prédit les lourdes conséquences d'une préférence favorisant une nation, en dehors de l'unité religieuse, et odieuse aux traditions et à l'honneur de la France ; les respon- sabilités pèseront longtemps sur ceux qui les ont endossées, et, avant de signer, il souscrit une formule banale, dont le laconisme n'est pas exempt de fiel « en terminant, dit-il, d'une manière aussi pénible une négociation dont il avait espéré de plus heureux effets ». Pourquoi cette réplique et cet adieu, vides de raisons inédites et pauvres d'éloquence, impresssionnèrent-ils Consalvi au point de l'amener instantanément à une résolution écartée jusque-là ? Quel coup de magique baguette opéra? quelle commotion électrique purifia tout à coup l'atmo- sphère et dissipa les nuages? Les documents que nous avons consultés ne nous l'ont pas révélé ; mais la chose est sûre ; le 30 avril, notre ministre plénipotentiaire était officiellement averti que l'extradition ne souffrirait plus le moindre retard ; l'échéance, à laquelle il avait cru ne jamais attein- dre, dépendait de ses convenances ; il la détermina pour le lendemain. Cette hâte à enlever le reclus du château Saint-Ange fut significative ; elle marquait une victoire qui avait été achetée par beaucoup de tourments et d'écritures, mais dont il était glorieux de goûter la jouissance immédiate et sans regrets. Le plus curieux fut l'espèce de solennité, la mise en scène avec apparat militaire, organisée pour l'échange de l'interné, son voyage jusqu'à la limite des possessions romaines, et la sécurité du transfert. On me pardonnera de m'octroyer le plaisir de ne pas ensevelir dans l'oubli le moindre de ces détails, si minutieux, si pittoresques, si suggestifs, de cette opération extra-judiciaire, pour laquelle une voiture cellulaire eut été suffisante. Il ne m'échappe certes pas que la plupart d'entre eux, à la distance de plus d'un siècle, ne peuvent avoir qu'un intérêt rétrospectif R«v. Lyon. 20