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      Bien que s'abstenant de prendre parti, M. Lambert ne cache pas les dangers
redoutables que l'adoption de ce régime ferait courir. Impuissant à enrayer le mou-
vement de réformes économiques et sociales réclamées par l'opinion, puisque, même
aux Etats-Unis, les résultats obtenus sont loin d'être décisifs — témoin la législation
sur les accidents du travail qui a fini par s'imposer après quinze années de luttes,
au cours desquelles les déclarations d'inconstitutionnalité ont été lancées sans arrêt,
il risque d'aboutir à des soulèvements populaires et peut-être à des révolutions.
A la veille de la guerre, il y avait, aux Etat-Unis, une telle irritation contre les Cours,
qu'on a dû songer à appliquer des remèdes dont l'adoption eût compromis tout
l'édifice, et ce fut à grand'peine que l'on parvint à calmer une crise qui, sans la
guerre, se serait probablement aggravée (i).
      Peut-être même le pouvoir des juges est-il en train de disparaître aux Etats-
Unis ! Ce qui permettrait de le croire, c'est le développement progressif que prend
l'application administrative des statuts au détriment de leur application judiciaire (2).
On pourrait alors apercevoir un troisième stade dans l'évolution politique des Etats-
Unis. A une première période, qui a pris fin après le milieu du siècle dernier, et
pendant laquelle le Pouvoir législatif a exercé incontestablement la suprématie
politique, aurait succédé une deuxième période assurant le triomphe du Pouvoir
judiciaire, et, depuis une dizaine d'années, commencerait une troisième période, qui
 serait celle de l'Exécutif. Ainsi pense le doyen de la Faculté de Droit de l'Université
d'Harvard : « Aujourd'hui, écrit-il, l'Exécutif se considère et est considéré comme
représentant plus spécialement l'ensemble du peuple. Le Législatif et le Judiciaire
sont de plus en plus considérés comme obligés à rendre des comptes à l'Exécutif.
Il rappelle la législature à ses devoirs, il revoit les décisions des cours par des inves-
 tigations administratives. L'hégémonie de l'Exécutif est proche. De même que le
xvm e siècle et la première moitié du xixe siècle ont donné la prédominance au
Législatif et la seconde moitié aux Cours, le xxe siècle non moins clairement repose
sur la prédominance de l'administration » (3).
      M. Lambert est d'un autre avis et on lira les raisons qu'il invoque.


                                            E

     Quoi qu'il en soit, et quelque opinion que l'on prenne de la valeur du régime
américain ou de ses chances de durée, le livre de M. Lambert comporte une leçon
plus haute, que nous voudrions au moins indiquer à la fin de cette chronique.
  Si, aujourd'hui, de très bons esprits, même parmi ceux qui ne sont pas spéciale-
ment initiés à la culture juridique, se rendant parfaitement compte de l'importance

    (1) Lambert, p. 93 et sq.
    (3)    id.    p. 196 et sq.
    (3) Cité par Lambert, p. 209.