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qu'un aussi beau génie que le sien s'applique à combattre le génie de
l'Empereur au lieu d'employer sa magnifique parole à expliquer les
hauts faits qui ont trop ébloui pour n'avoir pas besoin d'explications. Il
résulterait d'une telle association d'immenses avantages pour l'éducation
des masses, pour le triomphe même de la liberté ; car on aura beau faire,
la mémoire de l'Empereur s'associera toujours dans l'esprit des peuples
avec les immenses progrès obtenus par la Révolution française (19) ».
      En parlant ainsi, Louis-Napoléon travaillait moins pour la vérité de
l'histoire que pour son avenir politique.
      Au reste Lamartine avait assez de grandeur dans l'âme pour ne pas
arracher à la France l'héritage de gloire dont Napoléon l'avait magnifique-
ment dotée ; son patriotisme caressait avec orgueil ce rêve de monarchie
universelle que l'Empereur avait réalisé pour le drapeau français. On le
vit bien lorsque, en 1847, l'ancien roi de Westphalie, Jérôme, saisit la
 Chambre des députés d'une pétition, pour obtenir l'abrogation de la
loi de bannissement qui le frappait, lui et ses enfants. Lamartine promit
 un vote favorable :
      « Je ne suis pas suspect, écrivait-il à Jérôme, de partialité pour la
 gloire même du gouvernement impérial quand il a fait oublier, à force
 de génie et de splendeur, à la France ce qu'elle se devait à elle-même de
 garanties et de droits populaires ; mais je suis de ceux qui professent le
 culte des grandes mémoires, qui pensent qu'en les répudiant, les nations
 répudient une partie de leur nationalité morale. Je suis aussi de ceux qui
 pensent que la patrie doit le prix du sang versé pour elle par ceux qui
 marchaient à la tête sur tous nos grands champs de bataille ; enfin, je
 suis de ceux qui pensent que l'ostracisme qui est appliqué à un nom et non
 à un crime n'est plus de notre temps. A tous ces titres je voterai en faveur
 de la pétition que vous me faites l'honneur de me recommander (20) ».


                                      V

     Deux fois encore Lamartine eut l'occasion de s'expliquer publique-
ment sur Napoléon : d'abord en 1851, dans son Histoire de la Restauration;
puis en 1859, dans son Cours familier de littérature (21).