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— 252 — phes, quel général oserait jamais y passer? Ce serait interdire l'Arc-de- Triomphe ; ce serait fermer cette porte de la gloire nationale qui doit rester ouverte sur vos futures destinées! « Enfin, à la colonne de la Bastille? Sous le monument de Juillet? Mais quel rapport possible entre ce monument et Napoléon? Qu'y a-t-il de commun entre ce 18 brumaire du peuple et le 18 brumaire d'un soldat ambitieux?.. Que ferait-il là ? La liberté et lui pourraient-ils se regarder sans ironie? Votre monarchie constitutionnelle et lui pourraient-ils se regarder sans trembler ? ». Ses préférences étaient pour un emplacement « où il serait seul », le Champ-de-Mars, par exemple, et on inscrirait sur le piédestal du monument : A Napoléon seul ! « Ces trois mots, concluait l'orateur, en attestant que ce génie militaire n'eut pas d'égal, attesteront en même temps à la France, à l'Europe, au monde, que si cette généreuse nation sait honorer ses grands hommes, elle sait aussi les juger, elle sait séparer leurs fautes de leurs services, elle sait les séparer même de leur race et de ceux qui menaceraient la liberté en leur nom, et qu'en élevant ce monu- ment et en y recueillant nationalement cette grande mémoire, elle ne veut pas susciter de cette cendre ni la guerre, ni la tyrannie, ni des légiti- mités, ni des prétendants, ni même des imitateurs ». Lamartine ne refusait pas son vote au projet de la commission, mais il avait libéré sa conscience et il avait averti la nation (17). IV Il fallait être prophète pour deviner, en 1840, le futur héritier de l'Empereur dans celui qui n'était encore que l'aventurier de Strasbourg. Le 6 août suivant, l'échauffourée de Boulogne commençait à justifier les pressentiments de Lamartine. Cependant, on ne la prit pas au sérieux, et la Presse du 8 août disait que personne en France ne pouvait éprouver la moindre sympathie ni même la moindre pitié pour ce jeune homme qui paraissait n'avoir pas plus d'esprit que de cœur.