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— 253 — Louis-Napoléon fut emprisonné au fort de Ham ; et c'est de là qu'en 1843 il défendit contre Lamartine la mémoire de son oncle. Un député de Saône-et-Loire, le baron de Chapuys-Montlaville, qui tenait une place distinguée dans l'opposition libérale, avait conçu l'idée et le plan d'un Plutarque de la Révolution française à l'usage du peuple : « Après avoir nivelé les droits, disait-il, il faut niveler, autant que possible, les intelligences. L'œuvre de ce temps-ci c'est de faire monter les masses jusqu'à des conditions de civilisation, de loisir relatif et d'aisance qui leur permettent de s'instruire ; c'est de faire descendre l'instruction en la vulgarisant, jusqu'à la portée des masses. Une encyclopédie populaire serait une révolution pacifique accomplie ». Chapuys-Montlaville, qui venait de saluer dans une brochure vibrante l'adhésion donnée par Lamartine aux idées de libéralisme et d'opposi- tion (18), communiqua son projet à son collègue. Celui-ci répondit par une lettre publiée dans la Revue indépendante (10 août 1843) ; il approuvait cette tentative de populariser l'histoire, à condition que les événements humains fussent envisagés sous le rapport de la civilisation et de la morale et non pas seulement de la gloire ou du patriotisme. Il prenait en exemple le 18 brumaire, « éblouissant » du côté de la gloire et de la grandeur nationales, mais immoral et funeste au progrès du genre humain : « Cet homme survient, disait-il, il arrête le mouvement révolutionnaire préci- sément au point où il cessait d'être convulsif pour devenir créateur. Il se fait lui-même réaction contre une liberté qui commençait déjà à réagir par elle-même. Il s'arme de tous les repentirs, de tous les ressentiments, de toutes les apostasies qu'une révolution sème toujours sur sa route ; il écrase la liberté naissante avec les débris mêmes de tout ce qu'elle a ren- versé pour éclore ; il refait un ancien régime avec des choses et des noms d'hier ; il fait rétrograder la presse jusqu'à la censure, la tribune jusqu'au silence, l'égalité jusqu'à une noblesse de plébéiens, la liberté jusqu'aux prisons d'Etat, la philosophie et l'indépendance des cultes jusqu'à un concordat, jusqu'à une religion d'Etat, instrument de règne, jusqu'à un sacre, jusqu'à l'oppression et la captivité d'un pontife. Il étouffe partout en Europe l'amour et le rayonnement pacifique des idées françaises pour n'y faire briller que les armes odieuses de la violence et de la conquête.