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 sérieuse de la liberté... Prenez garde de donner une pareille épée pour
 jouet à un pareil peuple ! ».
      L'orateur évoquait la vision de cette compression intellectuelle et
morale que la France de l'Empire avait subie en rançon de la gloire :
« Oui, déclarait-il, j'ai compris pour la première fois ce que valaient la
pensée et la parole libres en vivant sous ce régime de silence et de volonté
unique, dont les hommes d'aujourd'hui ne voient que l'éclat, mais dont
le peuple et nous, nous sentions la pesanteur ».
      Il.recommandait aux amis de la liberté la mesure dans leurs démons-
trations, par crainte que la France n'en vînt à dédaigner les institutions
constitutionnelles conquises en 1789 et en 1830 au prix du sang des bons
citoyens : « N'effaçons pas tant, n'amoindrissons pas tant, n'inclinons pas
tant notre monarchie de raison, notre monarchie nouvelle, représentative,
pacifique ; elle finirait par disparaître aux yeux du peuple ».
      Comme si dans un éclair de génie Lamartine entrevoyait les destinées
du napoléonisme, il faisait planer sur l'assemblée la menace d'un nouveau
18 brumaire : « Faites attention à ces encouragements au génie à tout
prix. Je les redoute pour notre avenir. Je n'aime pas ces hommes qui ont
une foi et un symbole opposés ; non, je n'aime pas ces hommes qui ont
pour doctrine officielle la liberté, la légalité, le progrès, et qui prennent
pour symbole un sabre et le despotisme. Oui, je l'avoue, je ne m'explique
pas cela. Je ne me fie pas à ces contradictions. J'ai peur que cette énigme
n'ait un jour son mot ».
      Au reste, Napoléon n'est-il pas trop grand pour qu'un tombeau
reçoive l'exilé de Sainte-Hélène? Où placer cette cendre chaude encore
de tous les enthousiasmes qui se sont allumés sur les pas du vainqueur
d'Arcole, de Marengo et d'Austerlitz ? Dans cette revue des divers em-
placements où l'Empereur pourrait dormir son dernier sommeil, Lamar-
tine atteint à la plus haute éloquence.
      Aux Invalides ? Sous la colonne de la place Vendôme ? A la Madeleine ?
Au Panthéon? A Saint-Denis? L'orateur accumule les objections.
      « A l'Arc-de-Triomphe de l'Etoile, continue-t-il ? C'est trop païen.
La mort est sainte et son asile doit être religieux. Et puis y songez-vous ?
Si l'avenir, comme nous devons l'espérer, nous réserve de nouveaux triom-