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      « 5° Que Sa Sainteté ne voulait expédier un courrier que pour s'affran-
chir de la parole qu'elle avait donnée de ne point permettre l'extradition
sans en avertir la Russie et, pour qu'on n'eût rien à lui reprocher, qu'en-
suite elle se résignerait à tous les malheurs dont elle pourrait être menacée
de la part de la Russie (10) ».
      Il est vraisemblable que tout lecteur impartial sera ému de la con-
descendance de Pie VII ; le crédit de six semaines ou deux mois qu'il dési-
rait, indispensable à l'échange des notes entre Rome et Saint-Pétersbourg,
ne compromettait pas le prestige de notre gouvernement et n'arrêterait
pas la justice dans l'application du châtiment encouru par un royaliste
maladroit ou criminel. Fesch envisagea sous un angle tout différent
l'accord soumis à ses méditations ; il s'entêta à refuser le moindre accomo-
dement, obstiné à répéter que le parti de l'extradition immédiate était le
plus juste, «le plus convenable, le moins sujet à de grands événements
majeurs et le plus utile pour le Saint-Siège ».
      La question n'avait pas pour lui deux ou plusieurs faces, mais une
unique : la silencieuse et hâtive docilité du suprême pontificat à l'absolu-
tisme napoléonien. Il ne sortit pas autre chose de plusieurs conférences
qui remplirent les journées suivantes ; sous des formes courtoises, la
controverse monta à un diapason surélevé ; elle fut ardue, serrée, éner-
vante ; à un moment critique, Fesch fut sur le point de quitter la place
par une brusque rupture et de demander ses passeports ; il se contint
pourtant, estimant, dit-il une fois la colère tombée, que cet éclat « ne
convenait point au double ministère qu'il remplissait de ministre et de
cardinal ». J'aime mieux croire que la gaffe l'effraya et arrêta ce sot mou-
vement. La seconde estafette, dépêchée à la nonciature de Saint-Péters-
bourg, quitta Rome au moins avec son acquiescement tacite.
      L'appréhension d'un insuccès inopiné n'avait pas encore soufflé sur
 son imagination, mais cette trêve prolongée, ce sursis, quoique prévu et
 circonscrit dans une durée d'almanach, coûtaient à son amour-propre ; le
 silence l'agaçait et l'installation de ses deux secrétaires, Gandolphe et
 Hédouville, arrivés sur ces entrefaites prendre la place de Chateaubriand
 et de l'abbé Guillon, dont il s'était séparé avec une allégresse sensible,
 ne le distrayait pas. On n'affichait plus de pasquinades, mais est-ce qu'oa