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 ne chuchotait pas que les sentiments du jeune tzar avaient subi un assez
 sensible refroidissement? La jalousie se substituait à un enthousiasme
 immodéré et le brusque congé signifié à Markoff, son ambassadeur à
Paris, si déplaisant qu'ait été dosé le personnage, à cause de ses préten-
 tieuses gaucheries, avait projeté dans l'esprit de l'héritier de Paul I er une
 ombre lente à s'évanouir ; Consalvi n'écrivait plus ; Cassini s'enfermait
 dans un mutisme impénétrable ; on le voyait atterré d'avoir, si son collègue
 français l'emportait, à s'éloigner d'une ville qu'il affectionnait avec une
 rare prédilection. Mais les résolutions les plus sages ne sont pas les moins
fragiles ; Fesch fut impuissant à modérer son tempérament fougueux
 aussi longtemps que l'intérêt de sa cause et de sa réputation le lui suggérait.
Averti par un subalterne à ses gages que le postillon, retour de Saint-
Pétersbourg, s'était arrêté à Florence et sur ordre n'avait pas continué sa
 route, il vit dans ce fait je ne sais quel machiavélisme pour lui dissimuler
une vérité qu'il avait le droit légitime d'apprendre ; il en fut blessé au
plus vif de son amour-propre, et le 18 ventôse (9 mars), sur un ton qui ne
rappelait que de loin une prière, il sommait la secrétairerie d'Etat de lui
transmettre ce qu'elle avait reçu du nonce ; il sentit bientôt que ses repro-
ches avaient froissé son correspondant et il n'attendit qu'au lendemain
pour s'excuser et exprimer des regrets de sa vivacité. Toutefois sa confu-
sion est plus superficielle qu'amère ; son orgueil ne rend qu'à demi les
armes ; il est curieux de lire cette apologie d'un style peu châtié et d'une
gaucherie mal fardée.
      « Instruit par un homme sûr et non par la rumeur publique, j'étais
dans l'alternative ou de manquer à mon devoir ou de tenir au cardinal
secrétaire le langage de la franchise et l'expression de l'étonnement. Les
plaintes, que Son Eminence insinue du tort que l'on a de douter de sa
bonne foi, ne sont pas des preuves convaincantes du fait allégué. Le
soussigné, continue-t-il, ne repose pas son amitié sur les événements ou
les intérêts politiques ; les sentiments délicats de l'estime réciproque, de
la convenance, de la moralité, de la disposition mutuelle à se témoigner
de l'amitié, l'affection enfin, n'identifient pas les actions de l'homme
public avec celles de l'homme privé. Du reste, la seule non-assurance de
l'existence du fait rassure le soussigné ».