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— 228 — 4 pluviôse (25 janvier), on lui annonçait que le collège électoral du dépar- tement du Lot lui avait offert un siège au Sénat et que Chateaubriand le quittait, rappelé et transféré dans le Valais ; double rayon de chance sou- riarite ; il partit en campagne et déclancha une seconde offensive. D'après ses aveux, semés à chaque alinéa de sa correspondance officielle ou intime, le plus grand obstacle à ce qu'il fût exaucé était dans la répugnance invincible de la curie à indisposer la Russie et à exposer la position des catholiques de ce vaste empire à une lamentable insécurité ; il fallait donc effrayer Pie VII — le mot lui appartient — et le persuader que l'injure, retournée contre la République, n'était pas moins grave en suites fâcheuses et peut-être en catastrophes inévitables. C'est la marche qu'il suivra ; dans le métier, elle se nomme la méthode d'intimidation ; les gens de goût délicat la prisent peu ; mais elle l'emporte dans son esprit sur tous les autres moyens de persuasion ; pourquoi s'en défier? D'autant mieux qu'une occasion superbe, surgissant à peu près instantanément, lui ménage le placement de son thème éditorial qui désor- mais ne variera guère dans sa bouche et sous sa plume. Un parent de M me Bonaparte, Tascher, créole de la Martinique, officier de la garde, venait de débarquer au Borgo, il n'était pas investi d'une mission spéciale, mais il apportait une lettre du consul et un cadeau de la part de sa cousine Joséphine, un rochet de merveilleuse dentelle de Malines (8). Dès le lendemain, 5 pluviôse, il était conduit à l'audience par notre ambassadeur et accueilli avec une paternelle affabilité ; l'entretien achevé, Fesch se trouva en tête-à -tête avec Sa Sainteté ; ici nous lui laissons la parole ; il destinait cette confidence à Bonaparte : « Je restai seul avec le Pape, il me lut votre lettre, il pleura et s'affligea de la déplorable alternative où il était d'adhérer à votre demande, ou de perdre les catholiques de Pologne et de Russie ; il m'objecta la parole qu'il avait donnée et il finit ce long entretien par espérer qu'il trouverait dans le premier consul un ami qui sentirait ses peines et ne voudrait pas le perdre ; car il m'assura que ses forces physiques l'abandonneraient, si le premier consul ne voulait pas se départir de sa résolution et que, depuis le moment où le secrétaire d'Etat lui avait signifié votre demande, il éprouvait une notable incommodité » (9).