Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                   — 227 —
elles étaient pleines de critiques amères contre la République consulaire
et les bleus militants, cousues de racontars plus ou moins originaux,
colportés d'un centre d'espionnage à l'autre, intarissables surtout en
éloges des prélats exilés en Angleterre et en Allemagne, qui avaient résisté
au Souverain Pontife et lui avaient refusé d'abandonner leurs sièges.
      On découvrit, dans les secondes, l'origine des violentes inimitiés
conçues par Mr Alquier contre l'agitateur ambulant, qu'il avait filé à
Naples, et on n'eut pas de peine à déduire les causes qui avaient éveillé
ses soupçons et l'avaient induit à dénoncer ses arrogantes et suspectes
manœuvres. Quoiqu'il en soit, la culpabilité n'était pas démontrée ; il
était à craindre que l'accusation ne tombât, étayée qu'elle était par d'aussi
conjecturales probabilités.
      Cependant, l'opinion ultramontaine, agitée par des passions locales,
ne variait pas ; elle répétait avec entêtement qu'il revenait à la Russie de
prononcer le dernier mot dans le litige ; il appartenait à une main souve-
raine de délier ce nœud gordien, enchevêtré à plaisir par une politique de
caprice et d'orgueil ; chacun avait l'oreille tendue vers les bruits descen-
dant de la Neva. On n'ignorait pas que moins de 48 heures après l'incident,
exécuté par coup de force, un exprès avait été expédié à Saint-Pétersbourg,
muni d'une copieuse relation, très fidèle, ne laissant rien dans l'ombre,
où Consalvi plaidait en sa propre faveur et démontrait la nécessité qui
l'avait engagé à céder aux sommations réitérées de Bonaparte et de son
plénipotentiaire. Il eut été évidemment contraire à tous les usages,
insolent même pour Sa Majesté moscovite, de sortir du statu quo avant
la réponse à ces explications, à cet essai spontané de justification.
      A la légation française, le baromètre ne marquait pas le beau fixe, la
patience fondait comme neige et le mois écoulé depuis Noël avait paru
long comme un siècle. Mais lorsqu'il fut certain, après les compliments
dont Talleyrand l'encensa dans une note du 29 nivôse (13 janvier 1804)
que Paris approuvait ses vues et qu'on estimait, comme lui, la première
opération incomplète, si elle n'était pas suivie de l'extradition immédiate,
en dehors d'une ingérance quelconque de l'autocrate russe, Fesch s'en-
traîne à toute vapeur dans l'énergie et le travail, il se jure de vaincre,
 quelles que soient la résistance ou la souplesse de ses interlocuteurs. Le