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 Dieu, et quitta son archevêché le 15 juin à huit heures du matin. Après
avoir séjourné à Chambéry, où Mgr de Mérinville, ancien administrateur
du diocèse de Lyon, lui présenta le célèbre abbé Linsolas, vicaire général
de Mgr de Marbeuf, après avoir baptisé à Milan le second fils de Murât et
de Caroline, après avoir pieusement accompli le pèlerinage de Lorette et
de la Santa-Casa, il entra, le vendredi 12 messidor (i e r juillet), dans la
ville éternelle par la porte d'El Popolo et, avec les dernières ombres du
soir, il franchit le seuil de sa demeure, le palais Lancelotti.
      Sur ce terrain inexploré pour lui, glissant et obscur à certains endroits,
soucieux d'éviter de faux pas et de compromettre la renommée de son
pays, il avait apporté dans sa valise les instructions rédigées par Maurice
de Talleyrand, programme complet et positif de politique, d'opinions et
de vigilance. Le premier paragraphe de cette pièce capitale rappelait
que la base des relations entre le Saint-Siège et la France était fondée sur
les clauses du traité de Tolentino, les deux Etats, comme avant l'invasion
des Légations par les armées du Directoire et leur annexion, souverains
l'un et l'autre, reconnaissaient leurs droits mutuels d'indépendance ;
toutefois, du côté du Pape, en cas de guerre, il avait été spécifié une
neutralité absolue, qui ne serait violée par aucun des belligérants. D'autres
recommandations particulières appelaient ensuite l'attention de notre
représentant sur la protection de nos établissements nationaux à Rome
et dans le Levant, sur l'Académie des Beaux-Arts, sur les acquéreurs
des biens achetés après la captivité de Pie VI ; on le prévenait de favoriser
la réfection de la flotte et de l'armée pontificales, enfin on lui prescrivait
de surveiller le roi de Piémont, réduit à la possession de la Sardaigne et
de Cagliari pour capitale, et réfugié près du Quirinal.
     Le mandat, conçu dans une sage mesure de prévoyance et de modé-
ration, ne plut qu'à moitié à celui qui était préposé à son exécution ; le
cardinal avait de sa dignité un sentiment beaucoup plus haut ; il était
convaincu que rien ne devait être étranger à son influence et à ses direc-
tions ; combinant un amour-propre aveuglant avec son admiration au
moins égale pour son tout-puissant neveu, il se plaisait à publier que
princes et sujets, législateurs et potentats devaient fléchir devant son
génie, s'associer à ses desseins, s'enorgueillir de sa gloire et se courber